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[pilotage] le talon pointe

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by zabuza






Copié sur HPC
On en parle souvent, on le pratique pas toujours, il est une des clefs du pilotage mais son exécution est loin d'être aisée.
Merci à Tuscani pour le layus Rolling Eyes

A vos chevilles ! ?



Le terme de talon-pointe est fréquemment utilisé mais reste mystérieux pour certains, et d'autres en donnent une définition plus ou moins fantaisiste, ce qui ne facilite pas la tâche quand on cherche à savoir précisément de quoi il s'agit. Cet article a pour but de faire la part des choses entre vérité et idées reçues, donner les définitions de chacun des termes, expliquer l'utilité de ces techniques et de donner le mode d'emploi pour les mettre en application.

Terminologie

Relance moteur :

C'est le fait de donner un coup d'accélérateur avant de rétrograder pour amener le régime moteur à la vitesse où il se mettra à tourner lorsqu'on embrayera.

Double-débrayage :

C'est une technique qui consiste à débrayer deux fois et effectuer une relance moteur en rétrogradant afin de synchroniser le régime de rotation de la boîte de vitesse et du moteur.

Talon-pointe :

C'est une technique qui consiste à appuyer sur les pédales d'accélérateur et de frein avec le même pied pour pouvoir effectuer un double-débrayage tout en freinant.

Pointe-pointe :

C'est la même chose que le talon-pointe, mais avec une position du pied différente imposée par la disposition du pédalier de certaines voitures, notamment les monoplaces.

Blocage de boîte :

Lorsqu'on embraye sans avoir relancé le moteur et que la vitesse de l'auto fait que le régime moteur se retrouve soudainement dans une plage de couple important, l'arbre de transmission passe d'une vitesse quasi-nulle à une vitesse élevée brusquement, provoquant un blocage temporaire des roues motrices, ce qui peut entraîner un sous-virage sur une traction et un survirage voire un tête-à-queue sur une propulsion.

Dans cet article le terme talon-pointe sera utilisé en sous-entendant qu'on effectue également un double-débrayage avec relance moteur.

Petit rappel de base : appuyer sur la pédale d'embrayage = débrayer, la relâcher = embrayer ; c'est évident mais il arrive que des personnes confondent les deux.

Pourquoi ?

Il y a quelques années, avant que les boîtes de vitesses soient équipées de "synchros", le double-débrayage était utilisé pour pouvoir rétrograder. Nous ne nous intéresserons pas à cet aspect dans cet article, mais plutôt à ce qu'il est intéressant de savoir pour la conduite de tous les jours d'une voiture de sport, et l'apprentissage dans le cadre du pilotage amateur sur circuit.

Le talon-pointe est à l'origine une technique de pilotage, qui sert donc à gagner du temps. Pour être le plus rapide on freine le moins longtemps possible, et on accélère le plus longtemps possible. Ca semble évident à dire mais ça l'est beaucoup moins en situation réelle ! Cela implique qu'on freine de manière dégressive en abordant un virage, tout en utilisant les capacités d'adhérence des pneumatiques au maximum. Comme on implique une contrainte latérale sur ces derniers en tournant le volant, il faut doser finement le freinage et le volant pour pouvoir rester à la limite d'adhérence sans la dépasser.

Dans cette situation de limite d'adhérence, le moindre déséquilibre infligé à la voiture occasionne une perte d'adhérence, qui entraîne une perte de temps dans le meilleur des cas et une sortie de piste au pire (notamment en cas de blocage de boîte). Or il faut se trouver sur le rapport qui permettra de réaccélérer au mieux en sortie de virage lorsqu'on lâchera les freins : il faut donc rétrograder dans la plupart des cas. Un rétrogradage de type "auto-école" n'est pas envisageable car il déséquilibrerait grandement l'auto au moment d'embrayer puisque le frein moteur est important à haut régime. Il faut pouvoir rentrer le bon rapport sans changer la contrainte d'entraînement des roues motrices, et la seule façon de le faire est de relancer le régime du moteur soi-même plutôt que de laisser le moteur être entraîné par l'inertie de la voiture : il faut effectuer une relance moteur.

Puisqu'on est en train de freiner lorsqu'il faut relancer le moteur, on est obligé d'appuyer sur les deux pédales en même temps, d'où l'utilité du talon-pointe. Enfin, lorsqu'on veut préserver les organes mécaniques de la boîte de vitesse et ne pas avoir à la changer lors d'une course d'endurance ou en rallye, il faut éviter de faire travailler les synchros et donc réaliser un double-débrayage.


Comment ?

Voici la décomposition pas à pas de la manoeuvre complète lorsqu'on aborde un virage sur circuit.

1. Relâcher l'accélérateur et freiner, en positionnant son pied droit bien en face du frein pour avoir le meilleur contrôle possible sur la pression appliquée sur la pédale. Le pied gauche doit être sur le repose-pied pour caler le corps au moment de l'à-coup violent provoqué par le passage brutal d'une phase d'accélération à une phase de décélération.

2. Débrayer. C'est le début de la séquence et il doit être réalisé suffisamment tôt pour que tout soit terminé lorsqu'il faudra réaccélérer, mais suffisamment tard pour ne pas se retrouver en surrégime étant donné la vitesse importante de l'auto.

3. Passer au point mort.

4. Embrayer au point mort, pour que l'arbre primaire soit entraîné par le moteur mais pas les cardans.

5. Effectuer la relance moteur. L'objectif est que le moteur soit déjà à la bonne vitesse lorsqu'on embrayera : il faut donc lui donner une vitesse légèrement supérieure puisque dans le laps de temps où l'on rentre le rapport inférieur le régime moteur aura commencé à chuter.

6. Débrayer à nouveau.

7. Enclencher le rapport inférieur.

8. Embrayer.

En situation, on dispose de très peu de temps et l'ensemble de la séquence doit être réalisé en moins d'une seconde, voire moins d'une demi-seconde. Le temps qui s'écoule entre l'étape 5 et la 8 doit être particulièrement réduit sinon le régime moteur aura trop chuté et sera insuffisant pour éviter l'à-coup au moment d'embrayer.

Détaillons la position des pieds sur le pédalier d'une Porsche 944 en images :

1. Phase d'accélération.



2. Début du freinage.



3. Passage au point mort.



4. Talon-pointe pour relancer le moteur en étant embrayé au point mort (en situation réelle le pied gauche reste au-dessus de la pédale d'embrayage).



5. Passage du rapport inférieur.



6. Embrayage et reprise de l'accélération.



Enfin, voici une vidéo de l'opération en situation réelle, avec Walt au volant de son Alfa GTV6 : rétrogradage de 2 rapports.

Utilité dans la conduite quotidienne

Le talon-pointe n'est pas réservé aux pilotes ! Lorsqu'on conduit une propulsion puissante, surtout lorsque l'adhérence est faible, un rétrogradage qui intervient au mauvais moment peut avoir des conséquences désastreuses, même à des vitesses autorisées. Il est donc très intéressant de maîtriser la technique du talon-pointe pour l'utiliser systématiquement au quotidien. D'autre part, il s'agit d'une technique qui nécessite beaucoup d'entraînement avant d'être réalisée correctement. Sur circuit cela doit être un automatisme qui ne demande presque pas d'effort de concentration afin de pouvoir se focaliser sur le dosage du freinage, les trajectoires et les points de braquage. Cela ne devient un automatisme que si on l'effectue à chaque fois.

Par contre, étant donné les contraintes peu importantes imposées aux organes mécaniques lorsqu'on roule sur route ouverte, il n'est pas indispensable d'effectuer le double-débrayage à chaque fois. Lorsqu'on ne braque pas ou que le régime moteur n'est pas suffisamment haut pour risquer le blocage de boîte, on peut tout à fait se contenter d'une simpe relance moteur (bien dosée) qui évitera l'à-coup au moment d'embrayer.

Avantages

Vous n'êtes pas encore convaincu ? Voici la liste des avantages qu'apporte l'utilisation du talon-pointe.

1. Gain de temps

Le talon-pointe bien effectué dure une demi-seconde. Si vous rétrogradez à la méthode "auto-école", vous devez embrayer très progressivement et faire patiner l'embrayage pour éviter de provoquer un à-coup, ce qui nécessite bien plus de temps.

2. Sécurité

Le talon-pointe évite à coup sûr le blocage de boîte, cause fréquente de sorties de route sur les propulsions puissantes.

3. Confort

Vous évitez les à-coups et les passages de vitesses deviennent insensibles pour vos passagers.

4. Préserver la boîte de vitesse

Vous n'utilisez pas les synchros (pignons coniques dont le rôle est justement de rattrapper la différence de vitesse entre les arbres primaire et secondaire), qui sont les organes qui s'usent le plus rapidement dans une boîte de vitesses.

5. Préserver l'embrayage

Vous ne faites pas patiner le disque, il s'use donc très peu et votre embrayage tiendra beaucoup plus longtemps étant donné que c'est lui qui s'use le plus rapidement.

A vous maintenant !

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