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scuderia57

Steve McQueen

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Milieu des années '60, Steve McQueen, alors acteur au faîte de la gloire cinématographique et par ailleurs grand amateur de motos, de voitures de sport et de course automobile, travaille depuis plusieurs années à un projet de film sur la Formule 1, avec son ami John Sturges (le réalisateur, entre autres, de West Side Story, des Sept mercenaires et de La Grande Evasion), qui devait s’appeler Day of the champion.
Mais entre-temps, John Frankenheimer sort Grand Prix en 1966, avec James Garner, Eva Marie Saint et Yves Montand.



Du coup, son associé d’alors au sein de Solar Productions, la société qu’il a créée, enrichie grâce au succès de Bullit, déclare qu’il n’a pas l’intention de produire un second film de suite sur le sport automobile.
Qu’à cela ne tienne : après avoir déjà dépensé 4 millions de dollars dans ce projet initial, McQueen repartira de zéro et se tournera vers l’endurance, et les 24 Heures du Mans…


Steve McQueen, en toute simplicité, s’achète alors (via sa boîte Solar Productions), une Porsche 908/2, version découverte de la 908 3 litres d’usine de l’année précédente, prend des cours de pilotage auprès de son pote Richie Ginther, dispute (un pied dans le plâtre) les 12 Heures de Sebring en mars 1970 en compagnie du pilote de F1 Peter Revson, course qu’ils manquent de peu de remporter, battus d’une minute à peine par un Mario Andretti au sommet de son art !
Ce jour là, bien que non professionnel, et handicapé de surcroît, il fut admis parmi la caste des "pilotes", avec le respect de ses pairs…





Dans la foulée, l’acteur a bien l’intention de prendre part aux 24 Heures du Mans qui suivent en juin sur la Porsche 917 qu’il a achetée pour l’occasion, avec comme coéquipier un certain Jackie Stewart, champion du monde de F1 en titre, rien de moins !
En même temps que les équipes de tournage filmeront la course pour les besoins du film.
Mais les assureurs ne l’entendent pas de cette oreille et le lui interdisent.
Trop cher, la vedette !



McQueen restera donc dans les stands pour superviser, en tant que coproducteur, les prises d’images avec les 19 caméras installées tout au long du circuit.
Mais il se murmure qu’il aurait quand même effectué clandestinement un relais ou deux.
Va savoir…
Personne n’a jamais démenti, surtout pas Chad, son fils…



Pendant ce temps-là, une Porsche 908 (la même qu’à Sebring, mais repeinte en bleu foncé à parements blancs) était régulièrement engagée dans la course (une grande première mondiale !), pilotée par Jonathan Williams et Herbert Linge, équipée de trois grosses et lourdes caméras Arriflex 35 mm qu’ils déclenchaient à leur gré.
Une dans le capot avant, les deux autres à l’arrière, au dessus de la boîte de vitesses.
Lestée d’une bonne centaine de kilos supplémentaires et contrainte de revenir aux stands tous les quarts d’heure pour mettre des bobines neuves (l’autonomie dépasse à peine les 4 minutes 30), elle terminera quand même à la 9ième place mais sera déclassée pour distance insuffisante (il lui aura manqué à peine plus de 110 kilomètres)…


Elle aura malgré tout enregistré, avec ses 3 caméras, 13 heures d’images embarquées, à quoi s’ajoutent les 13 heures d’images prises du bord de piste, et les 5 heures 30 de rushes engrangées lors de l’édition de l’année précédente.
Le pilote de la 908 au départ, Herbert Linge, sera même parvenu à filmer en totalité le tout premier tour de la course, de l’avant et de l’arrière, avant de s’arrêter au tour suivant pour recharger de la pellicule neuve !


Sitôt l’épreuve terminée, courue en grande partie sous une pluie battante, et remportée par une Porsche 917 (Hermann/Attwood, devant une autre 917, celle de Larrousse/Kauhsen, la 908 de Lins/Marko et deux Ferrari 512 S privées, les officielles ayant toutes abandonné, tout comme les trois Porsche Gulf bleue et orange), la production investit le château Lomay, du côté de Loué, ainsi que le circuit de la Sarthe pour réaliser la seconde partie du tournage qui doit durer trois mois.



Fort d’un budget confortable (6 millions de dollars, soit 5,5 milliards de francs français de l’époque), Steve McQueen voit grand.
Il loue ou achète une douzaine de voitures de course (3 Porsche 917, 4 Ferrari 512S fournies par les écuries Francorchamps, Nart et Filipinetti, 3 Lola T70, 1 Chevron, 1 Corvette), à quoi s’ajouteront des voitures prêtées par Matra, Alfa Romeo et quelques autres…, soit environ 25 véhicules..., p
armi lesquelles une Ford GT40 rachetée à John Wyer et transformée en spyder, qui fera office de voiture-travelling, équipée d’une caméra installée dans une tourelle derrière le pilote, manipulée par un opérateur assis à côté de lui, et d’une autre amarrée sur le côté gauche du cockpit.
Le tout à 250 km/h parce que toutes les images seront tournées à vitesse réelle, sans trucage ni accélération artificielle…




Et il s’adjoint les services de quelques gros calibres de la compétition, la crème de la crème de l’époque. Excusez du peu : Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo, Masten Gregory, Rob Slotemaker, Herbert Linge, Mike Parkes, Dieter Spoerry, Vic Elford, Herbert Muller, Jürgen Barth, Kurt Ahrens..., rien de moins !

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Mike Parkes, Dieter Spoerry (avec ses lunettes noires), Jean-Pierre Jabouille, Gérard Larrousse, David Piper, Jonathan Williams, Steve McQueen, Derek Bell, Masten Gregory, Hughes de Fierlant, Herbert Linge et Lee Katzin, le réalisateur du film (avec le bob blanc)...


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John Sturges (le réalisateur démissionnaire), Derek Bell, Steve McQueen et Richard Attwood (le vainqueur des 24 Heures quelques semaines plus tôt)...


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Derek Bell (conseiller technique en chef), Brian Redman et Steve McQueen...


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Richard Attwood (le vainqueur des 24 Heures quelques semaines plus tôt), Steve McQueen et Derek Bell


Joseph Siffert, ici derrière McQueen (lequel, en louant des autos au prix fort, se fera un joli petit bénéfice de 100 000 $ de l’époque, l’équivalent de 600.000 € d’aujourd’hui, lui qui devait se contenter de sandwiches et logeait à la cloche de bois pour courir en Formule1 !)...


L’Anglais David Piper en aura bien profité lui aussi en louant très cher sa 917 et ses deux Lola, mais il le payera bien cher par la suite (il va perdre une jambe dans un accident sur le tournage)…

Les choses s’engagent mal...
Steve McQueen, pour qui ce film, dans son esprit, est son grand œuvre... et John Sturges, le réalisateur en titre, se disputent sur le scénario.
Sturges veut faire commencer le déroulement du film quelques jours avant la course et l’émailler d’une histoire glamourous made in Hollywood.
Steve, lui, veut faire débuter le film juste un quart d’heure avant le baisser du drapeau et privilégier l’aspect "report live".

 

Là dessus, les managers de Cinema Center Films (filiale de CBS, le principal bailleur de fonds) débarquent, demandent des comptes... et les bloquent.
Plus personne n’est payé.
Ni les pilotes, ni les figurants, ni les commerçants locaux.
Révolte !
McQueen, à bout de force et confronté à ses problèmes de cocaïne et… de couple, laisse choir tout le monde et part en vacances au Maroc avec sa femme, Neile Adams et ses deux fils.
John Sturges, lassé, rend son tablier, tout comme son chef monteur…



Pour débloquer la situation, les agents de Cinema Center Films réquisitionnent Lee Katzin, un modeste réalisateur de télévision, très éloigné de l’univers de la course..., mais aussi, sans doute, plus malléable.
Les scénaristes sont priés de revoir leur copie et l’actrice allemande Elga Andersen est recrutée d’autorité.
McQueen, revenu aux affaires, lui dit : "T’as pas baisé avec le metteur en scène, t’as pas baisé avec le producteur, et t’as pas baisé avec moi. Alors comment as-tu bien pu avoir le rôle ?"...
Ambiance…




Et, de coups de gueule en portes claquées (la star capricieuse s’enferme fréquemment dans sa caravane Airstream tout aluminium), McQueen accepte finalement le compromis, cahin-caha, avec l’introduction d’une histoire d’amour "qui va bien"…, ce qui donnera prétexte à l’une des phrases d’anthologie du héro Michael Delaney (alias Steve McQueen) à la veuve du pilote tué dans un duel avec lui, qui a mal tourné l’année précédente et dont elle tombera évidemment amoureuse : "
Racing is life... Anything that happens before of after. Is just waiting"... (La course, c’est la vie, avant et après, il n’y a que l’attente)…



Le tournage lui-même des scènes d’action se passe mal.
Très mal…
Ça commence par l’incendie inopiné de la Ferrari 512S pilotée par Derek Bell, blessé aux mains et au visage, heureusement sans trop de gravité.
Steve lui-même échappe de peu à un crash à grande vitesse avec un camion, puis pour faire le malin, se met une nuit dans un arbre au volant d’une voiture de location en compagnie de l’actrice Louise Edlind.


 

Ensuite il se fait traiter de dingue en tenant une caméra, couché sur le bitume, en pleine trajectoire des pilotes qui arrivent à pleine vitesse !

Mais il participe aussi très activement aux prises de vues au volant, notamment pris en sandwich entre Bell et Siffert qui l’obligent à prendre le virage de Maison Blanche à 250 à l’heure.
A la fin de la séquence, arrivé à la chicane Ford, McQueen descendit de voiture en tremblant, mais avec un large sourire...et a pointé Bell du doigt en disant : "Je vais m’occuper de vous tous"…



Steve se vengera de Derek Bell en lui faisant faire un tour de manège en motocross, et en l’expédiant la tête la première dans les broussailles !
Et puis surtout il y aura le grave accident de David Piper, qui reprend les commandes de la Porsche 917 après déjeuner et est victime d’une crevaison lente de son pneu arrière gauche, non décelée le matin.
Il ira s’exploser plein rail, à pleine vitesse.

La 917 est totalement détruite et le pilote, éjecté, s’en sort miraculeusement.
Expédié d’urgence à Londres, il y perdra quand même l’usage de sa jambe droite, amputée au dessus de la cheville, à cause d’un chirurgie en congé..., ce qui ne l’empêchera pourtant jamais de continuer à rouler obstinément au volant de ses Porsche et ses Ferrari personnelles en courses historiques…

 

Malgré tous ces aléas, le film est enfin bouclé, mi novembre 70, avec deux mois de retard.
Le budget initial de 7,5 millions de dollars de l’époque a été largement dépassé.
Le montage définitif (1 heure 48) n’aura retenu qu’une infime partie de ce qui a été mis en boîte.
Et tout ce qu’aura réalisé initialement John Sturges sera passé à la trappe, aux poubelles de l’histoire...




Mais Le Mans restera, malgré tous ces aléas, comme un morceau de bravoure à la gloire du sport automobile, jusqu’ici insurpassé :
Pour ses scènes de course prises sur le vif lors de l’édition 1970 des 24 Heures du Mans.
Pour ses scènes de crashes (des Lola, l’une déguisée en Ferrari s’envolant dans les arbres plantés dans des pots pour se coucher plus facilement..., l’autre en Porsche, celle du héros du film, qui s’explose dans les rails dans une séquence absolument hallucinante).




Pour cette longue introduction en crescendo, sans le moindre dialogue (carrément le premier quart du film !) jusqu’à l’explosion du départ, le cœur à 180 pulsions/minute.
Pour la magnifique musique de Michel Legrand qui la scande avec talent et sensibilité.
Pour les clins d’œil à l’attention des amateurs, avec ces figures aussi qu’il s’est amusé à caricaturer, celles par exemple des team-managers des deux écuries rivales : Mauro Forghieri pour Ferrari, John Wyer côté Porsche Gulf…




De ce film, on a dit beaucoup de choses, principalement que ce fut un échec commercial et public....
En Europe et aux USA, oui, pour partie.
Mais le public japonais l’a adoré et plébiscité.
Il avait coûté 9 millions de dollars, mais rapporté tout de même 22 millions.
Pas mal pour un échec, non ?




Alors certes, Michael Delaney, le héros du film, n’a jamais remporté la course de sa vie, comme il était prévu dans le scénario.
Mais Steve McQueen oui, sans aucun doute, malgré son amertume :
D’avoir dû subir et faire subir les aléas d’un tournage impossible, à cause de sa personnalité au bord de l’enfer.
D’avoir dû aussi accepter une baisse substantielle de son salaire et de ses droits de diffusion, ce qui l’incita à refuser d’être présent à la présentation du film à Indianapolis en juin 1971, préférant s'éclater avec sa femme Neile Adams dans leur Excalibur Séries1, dans des trips hallucinants en Californie : "C'est beaucoup plus dingue qu'une Porsche 917K"... 




L’homme, épuisé par une vie chaotique et déjantée, s’est finalement éteint en 1980 à la suite d’un long cancer, peu après son cinquantième anniversaire.
Ce jour-là, il put sans doute dire : "Je l’ai fait, malgré tout"...
Parce que ce fut, plus que tout autre, le film de sa vie.
Steve McQueen restera à jamais, plus qu’une star : un mythe.
Et bien plus encore : un homme, tout simplement…
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