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scuderia57

Amédée Gordini

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Amédée Gordini, 1962


Il n'est pas question ici de détailler le palmarès, ni de décrire les aspects techniques des voitures d'Amédée Gordini. Nous nous efforcerons simplement de raconter comment cet homme ingénieux est parvenu à imposer son nom dans le milieu de la compétition automobile hexagonale, comment il a représenté le bleu français au coeur des années 50, avant de s'abandonner à la toute puissante Régie Nationale. Ce qui nous vaut aujourd'hui cette rétrospective, c'est l'initiative de Renault en 2010 de faire revivre ce nom mythique en apposant des bandes blanches sur des Clio et des Twingo bleues.
1. De sa naissance en Italie à son arrivée en France
Amédéo Gordini vit le jour le 23 juin 1899 à Bazzano en Emilie près de Bologne. Ses parents étaient de modestes ouvriers agricoles. Il n'a pas connu son père, un colosse qui ne savait ni lire ni écrire, mort alors qu'Amédée n'avait que trois ans. Sa mère, restée veuve à 28 ans avec cinq enfants, l'éleva comme elle le put. Elle aurait bien voulu qu'il soit embauché à la Compagnie du Gaz, un métier sûr comme on disait alors.
Mais Gordini, comme il le racontait lui-même, attrapa le virus de la course automobile à huit ans, lors du passage près de chez lui du Tour d'Emilie où s'affrontaient les meilleurs pilotes du moment. Il entrait en apprentissage comme mécanicien à l'âge de dix ans chez un garagiste de Bologne. C'est là que la révélation de ses huit ans se transforma en une véritable passion pour la mécanique. Amédéo était déjà dur au travail. Très tôt, il eut le sens des responsabilités. Le jeune adolescent se levait de bonne heure et se couchait tard, car il prenait des cours du soir de dessin, de mécanique et de mathématique.
Grâce aux quelques rudiments du métier qu'il avait acquis, Gordini entrait à l'âge de onze ans chez le représentant Fiat de Bologne. C'était une époque où les ouvriers conservaient encore jalousement leurs secrets, et il fallut toute la passion du jeune homme qui surprenait ses interlocuteurs par sa vivacité dans le domaine mécanique pour que ceux-ci consentent à lui transmettre une partie de leur savoir. Ce gamin curieux se lia d'amitié avec Eduardo Weber, un nom rendu célèbre quelques années plus tard pour les carburateurs qui portent son nom. 
 
A quinze ans, en 1913, Amédéo, toujours soucieux d'en apprendre plus, quittait ce garage Fiat, et se faisait engager comme mécanicien chez Isotta Fraschini où opérait un chef d'atelier promis à un brillant avenir, Alfieri Maserati, l'aîné des frères Maserati, et l'un des fondateurs du constructeur automobile du même nom en 1914. Alfieri fut sensible au talent d'Amédéo, et partagea avec bonheur ses compétences.
Une idée faisait son chemin dans l'esprit d'Amédéo : courir, et mieux encore s'imposer, en s'appuyant sur son bagage technique. Mais l'Italie, en retard sur ses voisins britanniques, allemands ou français, n'était pas le meilleur pays où ses ambitions pouvaient s'exprimer. La guerre mettait un coup d'arrêt aux activités automobiles. Amédéo Gordini était appelé sous les drapeaux en mai 1917. Rapatrié en Italie en 1919, il entendait désormais profiter de la vie qui s'offrait à lui.
Gordini était un grand et beau garçon à l'oeil bleu et romantique. Sportif, bon danseur, heureux de vivre, il se mariait en 1920 avec une jeune fille de quinze ans et devenait en 1921 le père d'Aldo. Il retrouvait sa place chez Isotta Fraschini. C'est à cette époque qu'il construisit sa première voiture dotée d'un moteur Bianchi sur un châssis de sa conception. Il la revendit très rapidement.
En 1921, Gordini fut embauché par le riche comte Moschini, passionné lui aussi d'automobile, afin d'entretenir ses nombreuses voitures. Dans l'atelier mis à sa disposition, Gordini s'attela à fabriquer sa deuxième voiture, à partir d'un châssis Scat et d'un vieux moteur Hispano Suiza. De cette mécanique, il parvint à tirer 180 ch, une puissance peu commune à l'époque.
Cette voiture aux performances redoutables fut confiée à un jeune pilote moto désireux de s'imposer rapidement en course automobile : Tazio Nuvolari lui-même. A la stupéfaction générale, le bolide atteignit 230 km/h en 1922 lors d'une course sur le circuit de Brookland en Angleterre. Gordini commençait à se faire un nom.   
2. Son installation en France

Toujours en 1921, Gordini partait vers Paris, une ville qui le fascinait, sans doute par envie de voyager, mais aussi avec l'idée de proposer ses jeunes talents dans un pays plus ouvert que l'Italie à la chose automobile. Il croyait profondément à sa bonne étoile. Jusqu'alors, ses participations à la compétition automobile furent limitées au rôle de mécanicien de bord. Ce qu'il souhaitait désormais plus que tout, c'était piloter lui même, et tant qu'à faire, des voitures de sa conception.
Une anecdote marqua la vie du jeune homme. Fraîchement débarqué de son Italie natale, il invita plusieurs de ses compatriotes mais aussi de jolies filles rieuses à faire ripaille à ses frais. L'alcool aidant, les rires fusaient, et personne ne se souciait de ce qui viendrait plus tard. L'heure de la douloureuse sonnait à la fin de la soirée. Elle était à la mesure de la petite fête. Amédéo vida ses poches, mais il était loin du compte. Le restaurateur vit rouge. La soirée se termina au commissariat de police. Déjà, Gordini manquait d'argent. Après le sermon du commissaire, il savait qu'il n'avait plus qu'une solution pour faire face à ses dépenses fastueuses : rester à Paris pour rembourser sa dette ...
Il devait aussi subvenir à ses besoins immédiats pour vivre. Dans tous les cas, il n'avait même plus les moyens de regagner l'Italie. Il trouvait du travail chez Duval et Cattanéo, spécialiste des voitures de luxe, et notamment des Hispano Suiza. Ce garage était installé non loin de la porte d'Auteuil. Là, Gordini voyait passer les plus belles voitures du monde, inconnues en Italie. Il en profitait pour parfaire ses connaissances. Ses compétences extraordinaires le propulsèrent rapidement au poste de chef de l'atelier de réparation. 
La vie était relativement confortable pour ce bon mécanicien. Les années 20 étaient joyeuses, la crise de 1929 et ses conséquences en Europe encore à venir. Amédéo Gordini estimait avoir maintenant suffisamment de réserves pour envisager de voler de ses propres ailes. En octobre 1925, il passait avec succès l'examen du permis de conduire. 
 
En 1926, il quittait son employeur avec qui il restait en bon terme. Il achetait l'écurie désaffectée d'un petit château à Suresnes pour s'établir en tant que garagiste, et embauchait cinq ouvriers. Sa spécialité était la mise au point et l'amélioration des moteurs. Les débuts furent difficiles. Gordini avait la passion et un réel talent pour la mécanique, mais le goût des relations publiques et le sens commercial lui faisaient défaut. Néanmoins ses compétences de préparateur lui valaient une réputation enviable.
Sa première victoire en 1927 fut une course de ralenti au Mont Valérien, dans la banlieue ouest de Paris. Sa Fiat l'emportait face à la Duesenberg du prince Nicolas de Roumanie, préparée par ... Cattanéo. A petite vitesse, l'élève venait de dépasser le maître. Cette victoire n'était pas le fruit du hasard. Elle avait nécessité un vrai savoir faire tant sur le plan de la préparation des moteurs que dans le pilotage.
Gordini renouvelait l'exploit en 1928. La presse parlait de lui comme du magicien du ralenti ... une curieuse entrée en matière pour un homme qui ne rêvait que de vitesse, et un titre auquel Gordini ne tenait pas absolument ! Notre homme était désormais reconnu comme étant le spécialiste incontesté des automobiles Fiat.
Gordini avait maintenant définitivement choisi la France comme pays d'adoption. En 1929, après deux années de démarches, il était naturalisé. Amédéo Gordini, le bolognais, devenait Amédée Gordini, le parisien. Pendant cinq ans, jusqu'en 1934, il travaillait dans son atelier en répondant aux besoins de ses clients, mais continuait surtout de réfléchir secrètement aux moyens à mettre en oeuvre pour s'attaquer véritablement à la compétition.
       

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3. Amédée Gordini, avec Fiat et Simca Fiat avant guerre
En 1934, Gordini mettait au point un roadster Fiat, avec lequel il battait au Bol d'Or les marques les plus réputées : MG, Amilcar, Salmson ... toutes munies de compresseurs. Ce travail fut réalisé sans mécanicien, sans chronométreur, sans aucune aide que celle de son tout jeune fils Aldo. Le nom de Gordini éclatait enfin dans l'actualité sportive, stupéfiant les spécialistes.
En 1935, Gordini trustait les victoires de catégorie, au Monte Carlo, à Spa, au Bol d'Or, à Reims ... Au GP de Provence, Amédée se retrouvait seul avec son fils mais sans ses mécanos. Sans se démonter, le coureur constructeur gagnait quand même. Dans ce contexte, il devenait plus facile de se faire remarquer du public, sensible à ce combat du petit contre les grands.
Henri Théodore Pigozzi venait de créer en 1934  la Société Industrielle de Mécanique et de Carrosserie Automobile (SIMCA). La vocation de cette société était d'assembler et de commercialiser des Fiat en France. Pigozzi s'était installé dans l'ancienne usine Donnet Zédel de Nanterre.
En 1936, Gordini était aidé par Pigozzi pour préparer une Fiat 508 S, destinée à son client Angelo Molinari. Ce dernier ne trouva pas le temps de participer aux éliminatoires qualificatifs pour le Bol d'Or. Amédée Gordini demanda l'autorisation à Molinari de piloter la voiture pour la course qui se déroulait dans la forêt de St Germain en Laye. Il gagnait l'épreuve. La presse apporta un large écho à ce succès. 
Pigozzi qui fut favorablement impressionné par la publicité gratuite obtenue grâce au succès de la Fiat de Gordini lui proposa un contrat au terme duquel il devenait le préparateur attitré de la marque en compétition.

La 1100 Fiat qui triompha au Bol d'Or. Au volant, Amédée Gordini.


Il était assez naturel que le constructeur des Fiat sous licence et le spécialiste incontesté de ces mécaniques se réunissent. Grâce à ses talents, Gordini était capable de transformer de fond en comble les petites franco-italiennes, jusqu'à en faire de véritables voitures de course re-carrossées et allégées. Dans cette association, tous les frais de préparation demeuraient à la charge de Gordini. Celui ci voyait sa peine récompensée par d'importantes primes décernées en cas de victoire. Gordini pouvait toutefois compter sur les conseils techniques avisés de Fiat. Gagner était déjà une question de survie pour l'équipe Gordini.

La Simca de Gordini et Scaron sur le Rallye de Monte Carlo en 1939


En 1938, José Scaron, pilote de Gordini pour sa deuxième participation au Mans gagnait sur une Fiat 1100 la nouvelle Coupe Annuelle à l'Indice de Performance. Mais le grand Charles Faroux, maître des lieux, créateur des 24 Heures du Mans en 1923, le disqualifia pour une sombre histoire de ravitaillement. " Pour l'exemple " ajouta t'il. Mais la deuxième voiture était aussi une Gordini.
L'autre casquette de Charles Faroux était celle de journaliste à " La Vie Automobile ". Il écrivait que les performances des Simca 5 Gordini au Mans ne  pouvaient être que le fruit de sorcellerie. " Le sorcier " devint ainsi le titre qui accompagna Amédée Gordini toute sa vie, un peu comme on parlait du " patron " pour Ettore Bugatti ou plus tard du " Commendatore " pour Enzo Ferrari.

Mécanique Simca Fiat mais carrosserie Gordini en 1938. Seconde victoire au Bol d'Or, et victoire éphémère à l'indice de performance au Mans - (dessin Robert J. Roux).
En 1939, la victoire de Gordini et de José Scaron, son fidèle pilote, fut totale lors de la deuxième Coupe Annuelle à l'Indice de Performance.

Cette Gordini qui permit à Gordini de s'illustrer au Mans en 1939 présentait de très belles courbes (dessin Robert J. Roux).
Le petit gamin de Bazzano avait déjà réalisé une grande part de ses rêves. C'était devenu un grand Monsieur respecté, à la fois pilote et constructeur, et l'occasion lui avait déjà été donnée par la course de voyager à travers le monde. Gordini impressionnait de plus en plus les différents acteurs du sport automobile (Mercedes, Auto Union, Alfa Romeo ...) qui voyaient avec stupeur ses dérivés des petites Simca battrent des voitures à la cylindrée trois fois plus importante. La guerre mettait un point d'arrêt à cette première période de l'histoire de Gordini.

En 1939, Gordini est déjà célèbre. La cigarette aux lèvres (c'est ainsi qu'il était souvent pris en photo jusqu'à la fin de sa vie), il a pris place dans la voiture qui vient de remporter la Coupe de Paris.
4. Pendant la guerre
Gordini, citoyen français, fut affecté durant sa mobilisation au poste d'adjoint à la direction de la fabrication du constructeur Simca. Cela lui permettait de continuer de travailler au sein de son atelier de Suresnes. Au printemps 1940, Gordini était contraint de fuir Suresnes pour le sud-ouest de la France à bord d'une de ses voitures de course. Quelques mois plus tard, il regagnait la région parisienne désormais occupée par les allemands. Entre temps, ses ateliers avaient été détruits par les bombardements. Sa préoccupation était dès lors de retrouver de nouveaux locaux. Il s'installait durant l'automne 1941 en location dans une station service au 69 du Boulevard Victor, près de la Porte de Versailles. Très vite, les installations et le personnel furent réquisitionnés pour l'entretien des véhicules allemands.
5. De 1945 à 1947
En 1945, dans une France libérée, Gordini reprenait ses activités de mécanicien, constructeur et pilote. Il remportait la première compétition de l'après guerre, la Coupe Robert Benoîst, organisée le 9 septembre 1945, à bord de la Simca Huit qui avait participé à l'épreuve du Mans en 1939.

Amédée Gordini, en 1945 au Bois de Boulogne, lors de la Coupe Robert Benoist
 


Le départ de la Coupe Robert Benoist en 1945. Au premier plan, la Gordini N° 2 pilotée par Amédée Gordini. Au second plan, la N° 3, une Simca Gordini de 1937, est menée par Robert Cayeux.

Avec ses faibles moyens, Gordini devait en permanence trouver des astuces pour maintenir son équipe en vie. A chaque départ, il se demandait si ses voitures allaient tenir. Les moteurs étaient reconditionnés d'une course à l'autre, avec des pièces ayant déjà servi. Il arriva même qu'un pilote conduise d'une main, en retenant de l'autre un élément de la caisse qui menaçait de se séparer de l'ensemble !
Gordini retrouvait Théodore Pigozzi. En 1946, appuyé par Simca, il concevait une nouvelle monoplace, une 1100 cm3 avec laquelle il gagnait à Marseille, Nantes et Dijon.

Gordini, vainqueur sur Simca au GP de Marseille, embrassé par sa femme - Source AAT juin 1946.


Désormais, Gordini avait accès au bureau d'études de Simca à Nanterre, où il pouvait faire fabriquer des pièces prototypes ou usiner des blocs moteurs pour ses engins de course. Deux ingénieurs Simca étaient présents Boulevard Victor. Les relations que Gordini entretenait avec Dante Giacosa, l'ingénieur vedette de Fiat, lui permettaient de développer dans les meilleures conditions possibles le potentiel des moteurs Simca Huit.

La première monoplace Simca Gordini de 1946 - (dessin Robert J. Roux).


En 1947,  Gordini préparait une nouvelle voiture. De nouveaux pilotes se joignaient aux anciens. A Scaron s'ajoutaient Wimille, Sommer et le Prince Bira. De plus jeunes talents réalisaient des essais : Manzon, Trintignant, Simon.

Une rare photo de Pigozzi et Gordini réunis. Théodore Pigozzi (à gauche) et Amédée Gordini (à droite) encadrent le pilote Cayla, vainqueur du Bol d'Or 1947. Source AAT d'octobre 1947.
Gordini qui était devenu le patron d'une entreprise performante, conscient de ses responsabilités, mais aussi convaincu d'avoir fait son temps en tant que pilote, prenait la décision de ne plus courir lui même. Il assumait désormais son rôle de dirigeant, en recrutant les meilleurs éléments.
La marque Bugatti ayant quasiment disparu après la guerre, Gordini s'empressa de recruter des anciens de Molsheim, comme Robert Aumaître, qui devenait chef d'équipe Boulevard Victor, et le motoriste Antoine Pichetto, au poste de responsable du bureau d'étude.

Wimille (à gauche de face) et Gordini (à droite de face) lors du GP de Perpignan en 1947 (source l'Automobile N° 19, mai 1947).

Toujours Wimille et Gordini en discussion, ici lors du GP de Pau en 1947 (source AAT, mai 1947).

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6. De 1948 à 1950
La période des tournées en Amérique du Sud fut un moment fort de l'histoire de Gordini. Sa renommée avait atteint les rivages du nouveau monde, mais aucun grand constructeur de lui proposait pour autant une alliance forte et durable, susceptible de le mettre à l'abri des soucis financiers quotidiens. Qu'importe. En 1948, il engageait deux voitures en Argentine, et les expédiant en " port dû ".
Le premier pilote était Jean Pierre Wimille. Cet engagement ne se fit pas sans heurt car Wimille avait misé sur deux tableaux en s'inscrivant aussi chez Alfa Romeo. Il n'y avait pas de pilote désigné pour la seconde voiture. Par générosité, Gordini avait décidé de donner sa chance à un coureur local. Parmi les vingt pilotes qui lui furent présentés, il en sélectionna un. Son nom ? Juan Manuel Fangio !
Gordini déclarait l'avoir choisi pour ses yeux perçants, ses premières expériences dans des courses Argentine, et les origines de son père, un immigré italien. En prendre un, c'était délaisser dix neuf jeunes pilotes avec leurs supporteurs et leurs clans. La fièvre monta, et des bagarres éclatèrent, qui furent à l'origine de violents articles dans la presse locale. Mais Gordini ne céda pas, et Fangio prit le départ.
Au bout de trois tours, Fangio battait le record de la piste et talonnait Wimille. Celui qui allait devenir pour longtemps le plus grand champion de tous les temps faisait preuve d'un courage rare et d'une science de la trajectoire très personnelle. Au 41ème tour, Fangio dépassait Wimille, avant qu'un joint de culasse ne le trahisse au tour suivant.

Couverture de l'Action Automobile et Touristique d'avril 1948, Wimille y est présenté comme le chef de file de l'Ecurie Simca. Notez que le nom de Gordini n'est pas mentionné, mais apparaît pourtant bien visiblement sur la carrosserie.
Le budget réduit de son écurie condamnait Gordini à utiliser un maximum de pièces issues de la grande série, le plus souvent de chez Simca. Les châssis, suspensions, boîtes et moteurs des Gordini provenaient de la Simca 8. L'équipe ne roulait pas sur l'or. La voiture, les déplacements, les salaires, tout cela coûtait fort cher.
L'Auto Journal du 1er juillet 1950 commentait ainsi l'engagement de Gordini au Mans :
" Un autre très grand malchanceux aura été Amédée Gordini. Amédée Gordini qui ne méritait certes pas ce cruel coup du sort. On connaît sa grande conscience professionnelle et le désir qu'il avait, sans grands moyens financiers très importants, de remporter les 24 Heures mancelles. Avec amour, avec passion, il a préparé sept voitures. De véritables bijoux, remarquables de présentation et de finition, et puis ce fut la débâcle ... bien attristante. Là encore, pas de gros " pépins ", une tête de delco qui se fendait et qui retardait Juan Manuel Fangio dès le départ, un ressort de soupape qui claquait et provoquait l'abandon de l'équipe argentine, pour l'équipe fanion Maurice Trintignant Robert Manzon, c'est encore plus bête, un clapet d'eau de radiateur qui s'est coincé. Ainsi donc, pour des futilités, Amédée Gordini a perdu une année de travail et pas mal d'argent ... "
Gordini s'efforçait de garder une certaine distance face aux victoires et aux échecs, il souhaitait ne pas se laisser envahir par les  émotions. Il avait conscience de la fragilité des situations, et du danger qui guettait à chaque instant ses pilotes. La mort de Jean Pierre Wimille à bord d'une Gordini en 1949 lors d'essais avant le  Grand Prix de Buenos Aires, puis celle de Raymond Sommer à Cadours en 1950 furent là pour lui rappeler cette vérité première.

Maurice Trintignant, Amédée Gordini et André Simon en 1950 - Ce dernier fut pilote Gordini de 1949 à 1951, avant de rejoindre Ferrari, puis de revenir une dernière année avec Gordini en 1954.
Malgré ses origines, Gordini était très populaire. Dans l'esprit du public, l'homme, son entreprise, sa marque étaient français à part entière. Un jeune écrivain, Pierre Fisson, suivit durant l'année 1950 l'équipe Gordini dans sa sempiternelle course aux primes de départ et d'arrivée. Il raconta cette existence de semi-nomades dans son livre " Les Princes du Tumulte ", un roman reportage.

Les Princes du Tumulte.


7. 1951
La séparation avec Simca, Gordini lâché par Englebert, innover en permanence, courir à tout prix pour encaisser les primes de départ et d'arrivée.
En 1951, les mécaniques Simca, poussées dans leur derniers retranchements, ne supportaient plus les puissances atteintes, notamment par l'utilisation de compresseurs. Elles cassaient régulièrement. Dans ces conditions, les Simca Gordini peinaient à lutter à arme égale face aux Talbot, Ferrari, Maserati ou Alfa Romeo plus solidement armées.

GP d'Albi 1951 : Avant le départ, le sorcier Gordini semble jouer au professeur d'école donnant une leçon de bonne conduite à ses élèves Manson et Trintignant. Ce dernier rit sous cape, comme si déjà il prévoyait la victoire qu'il allait brillamment enlever sur Simca Gordini- Source : l'AAT, 09/1951.
Gordini, conscient de l'impasse dans laquelle il se trouvait, sollicitait de nouveau Pigozzi, dans l'espoir d'obtenir une aide supplémentaire. Mais l'utilisation de cylindrées importantes n'avait plus  aucun rapport avec les activités de Simca. Pigozzi préférait renoncer. Il ne voyait plus l'intérêt de soutenir l'artisan du Boulevard Victor. Le temps des Simca 8 de compétition était révolu. Depuis le début de leur collaboration, Gordini avait pourtant apporté près de 150 victoires à Simca.
Le fondateur de Simca commençait à douter de la capacité de Gordini de mener à bien ses projets. Surtout, des échecs répétés en courses auraient eut des effets désastreux pour l'image de Simca. Pigozzi faisait l'économie d'un budget difficile à assumer, à une époque où sa principale préoccupation était de mettre sur le marché sa future Aronde.
Une autre version, différente de la version officielle, faisait état du fait que Fiat, actionnaire fondateur de Simca, voyait à la longue d'un mauvais oeil les succès répétés des voitures bleues Gordini, qui mettaient à mal la suprématie des voitures de sport italiennes. Hors, la famille Agnelli, propriétaire de Fiat, considérait que chaque défaite d'une voiture italienne constituait une défaite pour Fiat ...
Puis c'est le fabricant de pneumatiques Englebert qui ne voulut plus fournir de pneumatiques. Le fondateur de cette firme venait de se retirer, et son fils qui lui succédait ne voulait plus entendre parler de Gordini. Mais on raconte qu'un jour, en plein conseil d'administration, le père fit irruption. On lui fit comprendre qu'il n'était qu'un doux rêveur. Colère du père Englebert qui rétorqua que s'il n'y avait pas eu de rêveur comme lui, son fils ne serait pas là dans son fauteuil aujourd'hui. Englebert père ordonna à son rejeton de donner des pneus à Gordini, et de les facturer à son compte personnel. 
Malgré tout, en cette année 1951, Gordini se surpassait et parvenait à mettre au point un tout nouveau moteur qui ne devait plus rien à Simca. Il laissait libre court à sa créativité pour imaginer des voitures de course qui adoptaient nombre de ses trouvailles. Il réfléchissait en permanence à de nouvelles solutions techniques, les abandonnant parfois en cours de développement, pour courir après de nouvelles idées.
L'équipe naviguait entre la Formule 1 et la Formule 2. Les mécaniciens montaient et démontaient les mécaniques pour s'adapter à l'une ou l'autre catégorie. Les hommes et le matériel arrivaient sur les circuits épuisés et mal préparés. L'engagement aux 24 Heures du Mans fut un échec. L'année fut catastrophique sur le plan sportif.
Privé de l'appui financier de Simca, sa seule source de revenus était désormais constituée des primes de départ et d'arrivé, l'incitant à engager de plus en plus de voitures dans un nombre toujours plus élevé de courses. Mais ses 40 employés ne suffisaient pas à suivre un tel rythme. Durant l'hiver suivant 51/52, Gordini se retrouvait pratiquement ruiné. Solitaire, mais déterminé, le sorcier allait se surpasser pour maintenir à flot son écurie.
8. 1952
Jean Behra rejoint Gordini, vainqueur du GP de l'ACF à Reims, première étape de la Panaméricaine avec Jean Behra, ouverture d'une souscription en sa faveur, présence de Gordini au Salon de Paris, attribution de la légion d'honneur.
Gordini venait de recruter Jean Behra et Nano da Silva Ramos. Ces hommes étaient animés par une même passion de la course automobile. Même si les caractères s'opposaient parfois, l'esprit de famille existait bel et bien. Mécaniciens et pilotes étaient unis dans la victoire comme dans la défaite.
La première manche du Championnat du monde 1952 se déroulait en Suisse. Le camion bleu arrivait sur le circuit pour la première séance d'essais avec une seule voiture. Pendant ce temps, les mécaniciens à Paris s'affairaient sur la seconde voiture. Le seul moyen d'arriver à temps pour se qualifier était de rejoindre le circuit par la route. Qu'à cela ne tienne ! Quand la voiture fut prête, on lui apposa une plaque d'immatriculation, et Jean Behra prit le volant de la monoplace pour descendre jusqu'à Berne, en se faufilant au milieu de la circulation, sur les routes de Bourgogne et du Jura. La voiture arrivait à temps pour prendre le départ du Grand Prix de Suisse ! Jean Behra se classait troisième.
Le Grand Prix de France à Reims s'annonçait comme un évènement majeur. L'Action Automobile et Touristique semblait très optimiste quant aux chances de l'équipe Gordini, dont une de ses voitures avait les honneurs de la couverture signée Géo Ham de ce numéro de juin 1952 :
" La nouvelle 2 litres Gordini qui a fait ses débuts à Marseille, puis a couru à Silverstone et à Berne vient de donner à Montlhéry la preuve éclatante de ses possibilités. On peut affirmer dès maintenant que la nouvelle création d'Amédée Gordini, dont Géo Ham a réalisé une composition saisissante sur notre couverture, est un racer de grande classe qui obtiendra certainement sous peu la consécrations ". 

L'Action Automobile et Touristique, juin 1952.


Et en effet, lors de ce Grand Prix de France, Jean Behra réalisait un exploit. Il s'imposait face aux Ferrari de Farina et Ascari, réputées imbattables ! On pouvait alors croire que le déclic capable de relancer l'esprit de compétition dans l'automobile en France s'était enfin produit. Mais ce fut avant longtemps la dernière victoire d'une voiture française dans un grand prix international de cette importance. Ce n'est qu'en 1965 que Matra symbolisa ce retour, avec le succès de Beltoise, de nouveau à Reims.

Grand Prix de la Marne en 1952, Jean Behra sur Gordini vient de doubler Ascari sur Ferrari.


Les marques de prestige d'avant guerre souffraient plus que jamais (Delage, Bugatti, Salmson, etc ...), tandis que les grands constructeurs (Citroën, Peugeot, Renault et même Simca) se tenaient sagement en dehors de tout engagement sportif. Les " sponsors " ne se bousculaient pas pour aider Gordini. Pourtant, notre homme était à ce moment là le seul à faire vivre la flamme française, tant dans son pays que lors des épreuves internationales.

L'ATT avait eu du flair. Behra (entre Trintignant et Manzon) s'imposait à Reims - AAT, 08/52.



Amédée Gordini & Jean Behra à l'issue du Grand Prix de France, Manzon est au second plan - Reims 1952 - L'Automobile N° 76.

La couleur était encore peu employée à l'époque. Le sorcier a le sourire après la victoire de Behra.


Une Gordini participait à la troisième édition de la Panaméricaine en 1952. C'est le mensuel l'Action Automobile et Touristique qui avait pris l'initiative de faire inviter l'écurie française, et qui fit son possible pour aplanir toutes les difficultés matérielles de ce déplacement. L'équipe du journal avait en effet la conviction que seul Gordini était encore capable de défendre les couleurs nationales. Cet évènement fut largement commenté par l'AAT qui avait délégué sur place une équipe de journalistes.
Pourtant Gordini n'avait pas spécialement préparé ses deux voitures pour cette épreuve. L'une fut montée avec ce qu'il restait de deux voitures accidentées lors des grands prix précédents. Manzon abandonnait quelques kilomètres après le départ avec sa machine rafistolée. Jean Behra enlevait la première étape de cette compétition, soit 530 km à la moyenne de 141 km/h, devançant une Ferrari.
Mais rapidement le petit français devait s'effacer devant les puissants constructeurs allemands et italiens. A titre d'exemple, Mercedes disposait de quatre voitures, de trois camions ateliers, de huit véhicules de liaison et d'un avion ! Ses pilotes avaient eu le temps de reconnaître le parcours ..., ce qui n'était pas évidemment le cas pour Manzon et Behra.
Au classement général, Mercedes remportait les deux premières places et Ferrari la troisième. L'ATT regrettait une fois de plus le manque de soutien financier des autorités françaises pour une activité pourtant bien médiatisée. Des victoires en bleu auraient pourtant été de nature à apporter du prestige et de la reconnaissance à notre pays.

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Le journal concluait ainsi au sujet des pouvoirs publics : " Maintenir intacte cette valeur morale que représente la France est une nécessité qui s'impose à ceux qui ayant la garde d'un tel patrimoine, ont le strict devoir d'en assurer la pérennité ".

L'Action Automobile, décembre 1952 - La couverture de l'AAT montre sur la photo du bas de gauche à droite M. Bellon, Consul de France, Behra (en noir) et Manzon (en vert) qui pilotaient les deux Gordini, Jean Bachereau (chemise blanche), Louis Chiron (gilet noir sur chemise blanche) et LV Roussel à droite de la Delahaye de presse aux couleurs de l'Action Automobile.
Gordini était prêt à tout pour sauver son équipe, et certains regrettèrent qu'il autorisa certains journalistes, certains titres, à mener en son nom des campagnes de presse pleurardes, prétextes à des souscriptions qui finissaient par ne plus être très éloignées de la mendicité.  Ainsi, l'AAT dans son numéro d'Août 1952 évoquait son soutient à Gordini en rappelant à ses lecteurs la souscription lancées par le mensuel et par son confrère L'Equipe pour participer au financement des activités du constructeur du Boulevard Victor. 
L'AAT justifiait son choix ainsi : " Gordini est depuis trente ans sur la brèche, il oeuvre en faveur de la voiture de course, et il est dans la bataille le plus qualifié pour redonner à l'automobile française la première place qu'elle n'aurait jamais dû perdre ".
Les constructeurs, les garagistes, les accessoiristes ... furent sollicités. De nouveau, aucun industriel de renom ne porta une attention quelconque à ce dossier. Seul des particuliers se manifestèrent. L'argent rapporté par la souscription, plus de six millions de francs, fila tout droit dans les caisses du fisc pour éponger les dettes de Gordini envers l'administration.

Ce feuillet volant était inséré dans le programme officiel du GP de l'ACF de juillet 1952.

L'AAT décrivait ainsi l'ambiance chez Gordini :
" Il y a encore, Boulevard Victor, soixante personnes, y compris les ingénieurs, les dessinateurs et les pilotes dont Gordini a toujours à coeur d'assurer, avant toute autre chose, les moyens d'existence. Cet artisan qui pense à réaliser des voitures, avant de chercher à en vendre, ne désarme devant aucune obstacle. Après chaque course, le matériel exige souvent beaucoup plus qu'une simple révision ; on travaille jour et nuit pour le remettre en état et le " patron" est bien le dernier à souffler un peu ... ". Le journaliste évoquait aussi la situation plus confortable de ses concurrents : " Il (Gordini) rend hommage à Ferrari, adversaire loyal qui donne l'exemple de la méthode et de la discipline, et souhaite avoir, un jour, les mêmes moyens. Il rend hommage aussi aux anglais, toujours très sport et qui seront bientôt très dangereux, de même que les Allemands avec lesquels il faudra compter en 1953 ... "

Dans le secret des ateliers Gordini.

Sur le stand du salon de Paris en 1952, Gordini présentait à la fois une monoplace de Grand Prix et un roadster sport, certes spartiate, mais relativement bien équipée avec le même moteur et sur le même châssis.  Ce roadster ne fut hélas jamais produit. L'atelier, occupé à plein temps, n'en avait ni les capacités ni, semble t'il, les ambitions. La création d'une vraie marque automobile aurait pourtant donné à Gordini la possibilité de financer son engagement en compétition par la vente de voitures de tourisme, qui auraient elles mêmes bénéficié du prestige de la marque en compétition, entraînant par là même une hausse des ventes ... un cercle vertueux que Ferrari, Jaguar et bien d'autres avaient depuis longtemps engagé avec succès.
Mais pour cela, Amédée Gordini aurait été dans l'obligation de déléguer quelques pouvoirs, et cela demeurait encore à ses yeux inenvisageable. Le sorcier semblait piloter son entreprise au jour le jour, sans méthode, sans vision stratégique,  et surtout sans prendre de recul, ce qui lui aurait peut être permis de mieux structurer son affaire.

Quand Gordini s'intéresse à la voiture de tourisme au salon de Paris en octobre 52.



Document publicitaire Gordini

Amédée Gordini obtenait la légion d'honneur en 1952. L'AAT y voyait là l'expression d'une reconnaissance officielle et aussi l'heureux présage d'un soutien que les pouvoirs publics allaient accorder à une belle cause ....
9. 1953
Gordini délaissé par les pouvoirs publics, Roger Couderc rend visite à Gordini, l'engagement au Mans, l'entreprise est financièrement aux abois, la quatrième Panaméricaine.
Gordini était le seul à se battre sur les circuits parmi les grands constructeurs français indifférents à tant de persévérance de sa part. En Italie, c'est toute une nation qui soutenait Ferrari et Maserati, deux équipes aux budgets sans aucune mesure avec celui de Gordini. Les autorités publiques s'engagèrent pourtant à de multiples reprises à aider financièrement ce digne représentant de la France. Mais malgré les promesses, jamais l'état ne tint sa parole.
Amédée Gordini ne parvenait pas à déléguer. Il continuait d'imposer à ses équipes un climat parfois pesant, au point que son fils Aldo, pourtant acquis à sa cause, finit par craquer et ne pas revenir du Mexique où il s'était rendu pour le compte de l'entreprise.

Amédée Gordini et Behra au Mexique en 1953, source : http://www.f1-photo.com, reproduction avec l'aimable autorisation de Paul-Henri Cahier.

Amédée Gordini (en Italie) en appui sur sa monoplace semble bien songeur, source : http://www.f1-photo.com, reproduction avec l'aimable autorisation de Paul-Henri Cahier.

Au GP de Bordeaux, trois Gordini étaient à l'arrivée (3, 4 et 8ème place), respectivement pilotées par Fangio (en conversation avec Gordini), Harry Schell (à droite) et Roberto Mieres (à gauche). Deux Ferrari monopolisaient les 1ère et 2ème places.
Roger Couderc (oui, c'est bien lui, le célèbre journaliste sportif) décrivait dans le numéro 73 du 1er mars 1953 de l'Auto Journal sa rencontre avec Amédée Gordini. Extraits :
" Porte de Versailles, face à une bouche de métro, une usine sans apparat, anonyme, sans enseigne pour retenir l'attention des passants. Un atelier, plus exactement un atelier d'artisan tel qu'on peut en voir tout au long des rues de Paris. Un homme m'invite à pénétrer dans les bureaux modestes. Cet homme à l'allure sévère a la minceur distinguée d'un pasteur anglican, le visage taillé à coups de serpe, le regard clair et perçant, le front soucieux, des mains fines et nerveuses qui semblent sans cesse tracer d'invisibles arabesques. Cet homme, c'est Amédée Gordini, celui que l'on a baptisé " Le sorcier de la Porte de Versailles ". " En fait de sorcellerie, me dit-il d'emblée, je manie surtout celle des centimes, beaucoup plus effrayante que celle de la mécanique ! Car dans le travail, il n'y a ni secret, ni sorcellerie. Le travail, il faut le faire, c'est tout ... "
" Voyez-vous, me dit-il, moins on parle de moi, plus ça me fait plaisir. La publicité faite autour de mon nom me crée des obligations que je ne peux pas tenir, faute de moyens. On " m'attend au virage " à chaque course, et l'on ne me pardonne rien. Je dois gagner, le reste ne compte pas ! Les critiques pleuvent sur les accidents mécaniques de mes voitures et l'on me déverse sur le crâne (comme la goutte d'eau sur la tête des suppliciés) la même rengaine, " Gordini n'est pas organisé ... A ce n'est pas comme Ferrari ou Mercedes ... Eux, c'est autre chose. Pour la Panaméricaine, Mercedes avait bien préparé son coup ... " etc ... Je n'admets pas ces critiques car, moi, je ne dispose pas de 10 millions, comme Mercedes, pour préparer la Panaméricaine ... "
" Je perds 75 % de mes moyens dans les difficultés financières de mon affaire ... Démarches, téléphone, travail, voyages et gymnastique des chiffres, voilà ma vie ... Et pourtant, j'ai confiance en l'avenir. Ces temps derniers, je me trouvais à Modène et Enzo Ferrari me faisait visiter sa magnifique usine - entre parenthèses, si le grand constructeur italien venait à Paris, je n'oserais même pas lui présenter mon atelier - et il me disait " Gordini, vous me donnez vraiment du fil à retordre ". C'est ma fierté, à moi, de faire peur à un homme comme celui-là ... Et le " Bleu France " n'a pas fini de lui en faire voir de toutes les couleurs. "
" Aimeriez vous que d'autres constructeurs s'intéressent à la course ? Je ne demande que ça ... Je serais très heureux de partager enfin, avec eux, le poids des responsabilités ... On a voulu faire de moi un " sorcier " , et je suis victime de cette légende ... " Combien avez vous d'ouvriers ? " Quarante cinq, plus un chef de bureau d'études et trois dessinateurs ... Et tout ce personnel pose des problèmes d'une grande complexité ... "
Voulez-vous trouver, vous-même, une conclusion à notre entretien ? Je souhaite que l'on ne  porte pas au pinacle les réussites des marques étrangères, en ignorant leurs échecs, et que l'on ne me " mitraille " pas de critiques, en ignorant mes réussites. Je demande que l'on comprenne la différence de moyens qui existe entre les firmes puissantes et ma petite maison. Et j'espère, enfin, que bientôt, dans le sport automobile, justice sera faite ... et bien faite. "

" Avec Jaguar, de nombreuses marques réputées seront présentes sur le circuit de la Sarthe, dont les nouvelles Alfa Romeo, les toujours vaillantes Gordini, et l'outsider Aston Martin qui garde également de grandes chances, notamment à l'indice de performance " - Couverture du magazine L'Action Automobile et Touristique, juin 1953.
L'Auto Journal revenait dans son numéro 81 de juillet 1953 sur les difficultés de Gordini à l'issue des 24 Heures du Mans. Une voiture, la 2,5 litres, avait terminé sixième au classement final, mais ce résultat flatteur, et la prime payée par l'ACO ne suffisait pas à couvrir les frais engagés par l'équipe. Le montant perçu paraissait disproportionné par rapport au triomphe qui fut fait à Gordini et à ses pilotes sur la ligne d'arrivée, et aux efforts tenaces de toute l'équipe malgré un budget réduit. L'Auto Journal regrettait que malgré l'amicale compréhension de plusieurs de ses fournisseurs, Amédée Gordini avait bien le couteau sous la gorge.

Maurice Trintignant, Jean Lucas, Amédée Gordini et Harry Schell au Mans en 1953, source : http://www.f1-photo.com, reproduction avec l'aimable autorisation de Paul-Henri Cahier.
Le mensuel l'Action Automobile et Touristique et le quotidien l'Equipe prenaient l'initiative en incitant plusieurs firmes françaises à cofinancer la participation de voitures aux couleurs nationales lors de la quatrième Panaméricaine qui devait se dérouler en novembre 1953 entre la frontière du Guatemala et celle des Etats Unis.  C'est ainsi que Dubonnet, Cognac Bisquit, Pernod, Englebert et Cibié sponsorisèrent les déplacements d'une Talbot pilotée par Louis Rosier et de deux Gordini menées par Jean Behra et Jean Lucas. Les Français purent grâce à ces appuis financiers faire face aux Porsche, Ferrari, Lancia, Osca ou autre Siata. Cependant, les Gordini ne parcoururent que les 4/5 de la course.
A son retour, Gordini regrettait amèrement ce déplacement, et déclarait dans L'Auto Journal numéro 92 du 15/12/53 :
" Je ne veux plus d'aumône, nous déclare Gordini. On exige tout de moi. Il " faut " que je gagne et l'on ne m'en donne pas les moyens. On me " gonfle " terriblement et si mes voitures ont une défaillance, c'est la fusillade générale ! Et les " amis " tirent souvent les premiers. Cette fois, c'est définitif : Je ne suis pas un " sorcier " capable de faire des miracles avec des courants d'air, je ne veux plus supporter le fardeau écrasant des responsabilités. Qu'on me laisse travailler en paix, dans mon coin, et qu'on fasse le silence autour de moi ! Que ceux qui veulent bâtir une publicité personnelle sur mon nom trouvent quelqu'un d'autre. Moi, c'est fini ... j'ai compris ".

La couverture de l'AAT de novembre 1953 souligne l'engagement du magazine pour les voitures bleues. Au premier plan, une Gordini, au deuxième plan une Talbot.
10. 1954
Gordini remporte le Tour de France et de GP de Pau, les effets pervers des victoires, André Costa et Jean Marie Balestre de l'Auto Journal lui lance un " Retirez vous ", Behra s'en va.

Couverture verso du " Moteurs Course " N° 1 du deuxième trimestre 1954, Gordini et ses sponsors font leur publicité, curieux mélange des marques !

Jacques Pollet et Hubert Gauthier ont gagné le Tour de France 1954 après avoir dominé de bout en bout sur Gordini. Les voici à l'arrivée devant l'immeuble de la Shell à Nice, leur fournisseur d'huile sur cette épreuve. De gauche à droite, la fiancée de Pollet, Pollet, Gauthier, M. Renard directeur du service compétition de la Shell, et Amédée Gordini. Source : Moteur N° 2, 3ème trimestre 1954.

[size=18]Pour l'anecdote : André Guelfi, plus connu sous le surnom de Dédé la Sardine, en 1954, alors qu'il pilotait une Gordini sur Le Tour de France. Le personnage fut rendu célèbre pour sa condamnation pour abus de biens sociaux dans l'affaire Elf en 2003. Source : Moteur N° 2, 3ème trimestre 1954.[/size]

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Le magasine l'Automobile interrogeait Amédée Gordini pour son numéro 96 d'avril 1954. En préambule, le journaliste situait le contexte dans lequel vivait les ateliers du Boulevard Victor :
" La course est pour certains constructeurs un laboratoire. Pour d'autres, elle est, en plus, un puissant outil de publicité dépassant parfois le cadre de l'usine pour atteindre le plan national et justifier de grosses subventions accordées par des gouvernements compréhensifs. O miracle, il est un constructeur, Amédée Gordini, pour lequel la course est la seule activité. Chez lui pas de chaîne de production de voitures de série, pas d'usine de machines outils, ni de bougies ou de magnétos. Comment dans ces conditions, peut il non seulement vivre et employer une vingtaine de personnes, mais encore parfois gagner des courses et forcer toujours l'admiration ? Le dévouement de toute son équipe, l'aide de certains clubs, d'industriels y sont certainement pur quelque chose, mais le miracle subsiste quand même ! "

L'équipe du Boulevard Victor à Paris : Gordini et Jean Behra (de dos) entourés des mécaniciens. Source : l'Automobile N° 96 d'avril 1954.
L'AAT de mai 1954 rendait compte de la victoire de Jean Behra au GP de Pau :
"  Une petite voiture bleu de France surmontée d'un casque blanc à damier d'azur fonçant derrière le rouge Ferrari de Trintignant ... Sur le bord de la piste un homme, Gordini, au visage pâle et contracté tendant à chaque passage un tableau sur lequel on lisait " 29 ", " 27 ", " 25 " secondes, chiffres sur lesquels Behra se détournait une seconde en passant en trombe ... Une foule immense bordant tout le circuit et hurlant son espoir au pilote du bolide bleu : Le Grand Prix de Pau était en train de se jouer magnifiquement et, du même coup, la France se préparait à reprendre sa place dans la grande compétition internationale "  puis plus loin :
" Deux hommes (Gordini et Behra) viennent de réussir avec, pour toutes armes, la foi et la ténacité, ce magnifique exemple ne doit pas être perdu et les voitures bleu de France doivent passer plus souvent la ligne d'arrivée devant la meute multicolore des bolides venant de pays où la course est considérée comme une grande et noble ambassadrice ".

Sur cette photo du camp de signalisation de Gordini lors du Grand Prix de Pau en 1954, on distingue bien Amédée au chronomètre - Cette photo fut curieusement diffusée à la fois par l'Auto Journal (numéro 101) et par l'Automobile (numéro 97), en mai 1954.

Jean Behra gagna à Pau en 1954 devant la Ferrari de Maurice Trintignant . Source : L'Automobile n° 97, mai 1954.

Des amortisseurs Messiers équipaient les Gordini lors du GP de Pau en 1954. " Le spécialiste du train d'atterrissage " ne manquait pas d'exploiter cette participation à des fins publicitaires - Source : AAT, mai 1954.
Roger Couderc de l'Auto Journal dans le numéro 102 du 15 mai 1954 revenait lui aussi sur cette victoire de Pau en compagnie d'Amédée Gordini :
" Depuis sa retentissante victoire de Pau, Amédée Gordini est devenu brusquement l'homme le plus interviewé de Paris. Les coups de téléphone assaillent de tous les côtés le constructeur, qui doit répondre chaque jour à mille questions, parfois ahurissantes, des journalistes et qui le laissent désemparé ... C'est la rançon de la gloire et, tout compte fait, cela serait fort sympathique si le très beau succès de Jean Behra avait du même coup résolu tous les problèmes auxquels le constructeur doit faire face. Hélas, il n'en est rien ... Le constructeur me dit ensuite combien il est sollicité par tous les organisateurs étrangers ... Je ne puis accepter, nous dit-il, car la situation toujours précaire de ma maison ne me permet pas de prendre des engagements plus d'un mois à l'avance. Je peux vous affirmer que notre victoire de Pau a été celle du " dernier souffle " et que je me trouve à nouveau dans la même situation. Notre avenir reste bien compromis, mais si un jour prochain, je suis réduit à partir, je m'en irai avec l'honneur d'avoir bien servi la cause du sport automobile, à laquelle j'ai dédié toute ma vie ... "

André Costa, dans L'Auto Journal du 15 juillet,  n'y allait pas pas quatre chemins pour suggérer à Amédée Gordini de se retirer de la compétition automobile. Il lui demandait en toute simplicité de " cesser la comédie ". La photo d'un Gordini épuisé, à bout de course, illustrait l'article.
Quelques semaines plus tard, c'est André Costa qui frappait très fort sur Amédée Gordini dans l'Auto Journal numéro 106 du 15 juillet 1954. Il ne comprenait pas pourquoi Gordini gaspillait son énergie et son budget à travailler sur tant de moteurs aux cylindrées variées à la fois. Il ne comprenait pas pourquoi Gordini se présentait systématiquement à toutes les compétitions, alors que ses voitures ne rejoignaient que trop rarement la ligne d'arrivée, et qu'un peu plus de discernement dans ses engagements pourrait le conduire à plus de succès. Il ne comprenait pas pourquoi Gordini s'obstinait à présenter plusieurs voitures parfois équipées de pièces à bout de souffle, alors qu'une voiture en moins à financer aurait permis de s'équiper avec du matériel en meilleur état, tout en reconnaissant à demi mot que les primes de départ jouaient un rôle primordial pour les rentrées d'argent. Il ne comprenait pas pourquoi Gordini s'obstinait à développer une 3 litres, qui avait toutes les peines du monde à faire face à la puissance des 3,5 litres Jaguar, 4,5 litre Lagonda, 4,5 et 4,9 litres de Ferrari,  5 litres Cunningham ... Enfin, il ne comprenait pas que dans une course aussi prestigieuses que Le Mans, un tel désordre puisse régner dans le stand de la marque et que l'improvisation soit érigée en mode de fonctionnement. 
André Costa évoquait une autre raison aux difficultés financières du sorcier, en faisant remarquer que plus d'un sportif français ferait volontiers l'acquisition d'une Gordini avec à la clef des marges qui permettraient de financer un programme de course. Mais comment faire confiance à la pérennité de son constructeur ? Il comparait Gordini à Osca et Maserati dont les surfaces des ateliers étaient aussi très mesurées, mais qui parvenaient à vendre leurs voitures en Italie et à l'étranger. Il regrettait que Gordini n'ait pas la fibre commerciale. A défaut de voitures, il précisait que Gordini, avec le prestige attaché à son nom, pourrait très bien commercialiser des pièces adaptables, à la manière d'un Carlo Abarth. Le journaliste concluait en indiquant que par son manque de réussite, Gordini fournissait à tous les constructeurs français les meilleurs arguments pour ne pas s'engager en compétition, alors qu'en Allemagne, en Angleterre ou en Italie, l'était d'esprit était tout à fait différent.
Jean Marie Balestre, dans la même édition, faisait part, malgré l'amitié et l'estime qu'il portait à l'homme, de sa lassitude de le voir mener seul un combat certes glorieux, mais inutile. Il précisait que l'on n'assure pas la victoire de la mécanique avec de l'héroïsme, que le courage des hommes n'est qu'un élément du succès au même titre que la résistance du pont ou la qualité des freins. Le Mans ou Reims consacrent chaque année le triomphe de l'organisation, de la méthode, de la cohérence. Jean Marie Balestre se demandait ce que pouvait espérer le nain Gordini avec sa dangereuse et sympathique " pagaïe " devant les géants Ferrari, Mercedes, Jaguar et leurs redoutables organisations.  Et de conclure lui aussi en demandant à Gordini d'arrêter ses efforts dérisoires et de se retirer des pistes, au nom du prestige de la France !
Malgré cela, l'Auto Journal soumettait à ses lecteurs en septembre 1954 l'idée d'une nouvelle souscription de 1000 euros (équivalent 21 euros en 2012) par personne intéressée.  Cet appel ne fit pas se soulever les foules. 

Amédée Gordini et Behra en Suisse en 1954, source : http://www.f1-photo.com, reproduction avec l'aimable autorisation de Paul-Henri Cahier
Après trois années auprès de Gordini, Jean Behra décidait en septembre 1954 de quitter cette équipe pour rejoindre Maserati. Gordini lui avait apporté quelques grandes joies mêlées d'un lot conséquent de déconvenues. Avec lui, Gordini perdait non seulement un grand pilote, mais aussi un mécanicien clairvoyant, un bon copain qui n'hésitait pas à mettre la main à la pâte lorsque cela était nécessaire. Gordini se déclarait brisé par ce départ. A 33 ans, Behra se refusait de végéter sans espoir dans cette équipe, lui qui avait espéré en vain qu'un jour l'horizon s'éclaircisse. Légitimement, il ne pouvait se satisfaire du sort d'un condamné à la défaite à perpétuité ! Le pilote allait se tuer cinq ans plus tard sur le circuit de l'Avus au volant d'une Porsche en lever le rideau du GP d'Allemagne.  
11. 1955
L'accident au Mans jette une ombre terrible sur la compétition et les courses sont provisoirement interdites, Gordini connaît les heures les plus noires de son existence, présentation d'une nouvelle monoplace 2,5 litres.

Amédée Gordini fait la couverture du mensuel l'Automobile N° 105 du janvier 1955. Cette importante couverture médiatique ne lui permet cependant pas de trouver un partenaire fiable et durable. L'homme demeura toute sa vie un artisan, qui n'hésitait pas à manier le tournevis et à tremper ses mains dans le cambouis. Il gérait son affaire en suivant de prêt le moindre détail.
Jean Bernardet dans " L'Automobile " d'avril 1955 n'y allait pas par quatre chemins , et précisait assez cruellement :
" C'est devenu un lieu commun de parler des malheurs et des soucis d'Amédée Gordini. Nous arrivons maintenant aux conséquences directes de ces soucis. Le nouveau matériel dont la construction a été retardée faute de disponibilités financières ne sera pas prêt à temps et la saison est compromise à plus de 50 % ". La conclusion s'avérait cependant porteuse d'espoirs : " Les nouvelles voitures de Gordini demeurent pour nous une chance sur laquelle on ne comptait plus ... Depuis quelques temps, on parlait du passé de Gordini. Maintenant nous parlerons de l'avenir, car nous y croyons très fort ... si tout peut être achevé à temps. "

Amédée Gordini en discussion avec le dernier empereur du Vietnam, Bao-Daï, lors du GP de Monaco 1955. Source : AAT de juin 1955.
L'histoire de Gordini durant les années 50, ce fut une longue suite d'avatars. L'argent qui manquait y était pour quelque chose mais la guigne aussi. De nombreux accidents en course grevaient trop souvent un budget difficile à boucler. Gordini était incapable d'assurer le renouvellement régulier des principaux organes mécaniques de ses voitures. Les pannes se multipliaient. Cette situation décourageait mécaniciens et pilotes. Ceux ci n'étaient pas toujours payés à temps, et ils ne connaissaient pas la semaine des 40 heures. Les pilotes les plus fidèles cédaient aux tentations venues d'ailleurs.

Amédée Gordini en Angleterre en 1955 ; cette vue reflète bien les conditions de travail difficiles de l'équipe, source : http://www.f1-photo.com, reproduction avec l'aimable autorisation de Paul-Henri Cahier.
La presse spécialisée était partagée. Certains journalistes y allaient régulièrement de leur petit refrain. L'Automobile en juin 1955 regrettait la quasi absence des constructeurs français au Mans. Le doute subsistait encore quant à la possibilité de Gordini d'être présent pour cette nouvelle édition. Le mensuel déplorait l'absence d'aide des grandes marques françaises ou des organisateurs des compétitions (ACF, Club ...), alors que parallèlement le gouvernement allemand soutenait ses industriels de l'automobile.
La catastrophe du Mans en juin, 82 morts parmi les spectateurs, fut terrible pour le sport automobile en général, et pour Gordini en particulier. Il n'était alors absolument plus question d'aider la course automobile. Toute idée de souscription était devenue caduque. Gordini semblait irrémédiablement condamné à disparaître.

L'Action Automobile défend encore les intérêts de Gordini. Cette couverture de juillet 1955 montre le sorcier dans une attitude inhabituelle au pied de sa nouvelle monoplace 2,5 litres, on l'imagine au sein de ses ateliers du Boulevard Victor. Cette page de couverture volontairement apaisante tranche avec la violence des évènements tragiques du Mans quelques jours auparavant.
Malgré les difficultés, Gordini présentait à Montlhéry en juillet 1955 une nouvelle monoplace 8 cylindres en ligne de 2,5 litres, forte de 256 ch. La carrosserie très légère était d'un dessin très pur et absolument nouveau. Plusieurs champions du volant firent les honneurs à cette voiture en prenant son volant à tour de rôle. Parmi eux figurait le champion du monde Fangio, qui avait encore en tête ses premières courses remportées sur Gordini.

Gordini fait lui même les essais de sa nouvelle 2,5 litres sur le circuit routier de Montlhéry. Photo couleurs Rosenthal. Source page de couverture de " Moteurs Courses ", 3ème trimestre 1955.

Photo de prese : " Ce matin, à la porte Maillot, une de Dion Bouton est entrée en collision avec une Gordini 2 litres. Accident sans gravité et voulu avec la participation de l'acteur Pierre Louis, de Miss Grèce Eji Meja et du coureur automobile Pollet, le tout pour servir d'avant première aux manifestations du Chapiteau de Paris, véritable festival du style et du monument où l'on pourra voir des ballets automobiles ". Septembre 1955.






Dépliant Gordini T 35, six pages, format 194 x 148.

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12. 1956
L'après Le Mans, Gordini remporte le GP de Pescara, Bugatti défend avec Gordini les couleurs nationales, pour une Gordini de route, le dépôt de bilan
La saison 1955 de sport automobile fut la plus noire jamais connue. Elle fut suspendue le 12 juin au soir, après la catastrophe du Mans, qui bouleversa le monde entier. Toutes les compétitions furent immédiatement interdites en France par le gouvernement. Cette situation ne fit que compliquer la situation de Gordini, à la limite de l'asphyxie, et qui ne pouvait plus bénéficier de sa principale source de revenu, les primes de départ. Les projets ne manquaient pas, mais les moyens de les réaliser faisaient défaut. 

Gordini dans le paddock de Silverstone, 1956

Gordini fut heureux d'apprendre le nouvel engagement de Bugatti en 1956. Enfin, une deuxième marque française réapparaissait sur les circuits. Il n'allait plus être le seul à supporter le poids de la responsabilité de la défense des couleurs françaises en F1. En Italie ou en Grande Bretagne, il y avait alors plusieurs marques pour représenter leur pays, en Allemagne, il y avait Mercedes et sa formidable puissance. En France, il y avait ... Gordini et désormais Bugatti. Hélas, le projet de retour de Bugatti sur le devant de la scène avec la type 251 ne fit pas long feu.
A Roger Couderc qui l'interrogeait dans l'Auto Journal du 1er janvier 1956 au sujet de ses relations passées avec Ettore Bugatti, Gordini répondait :
" Je connaissais bien M. Bugatti avec lequel j'avais des conversations amicales, chaque fois que je le voyais. Bien sûr, toujours sur la course. J'avais pour lui beaucoup de respect (le respect de l'élève pour un maître de l'automobile). C'était certainement un grand homme et notre maître à tous. Ses conceptions étaient d'une simplicité extraordinaire. Sa disparition fut un grand malheur pour le sport automobile ".
L'écurire Gordini remportait une ultime victoire d'importance en 1956, le Grand Prix de Pescara.
René Bellu illustrait dans l'Auto Journal du 1er novembre 1956 ce qu'aurait pu être une Gordini 1500 cm3 de tourisme. Plus de cinquante acheteurs se manifestèrent lors du Salon de Paris 1956 avec la ferme intention d'acquérir une Gordini de route au cas où son constructeur se déciderait à la produire en petite série à un prix raisonnable.

La Gordini 1500 cm3 telle que l'imaginait René Bellu en 1956.

Fin 1956, Gordini déposait son bilan.
Il ne parvint jamais à monnayer le prestige attaché à son nom, ni à développer une quelconque activité commerciale, et encore moins à déléguer une partie des ses responsabilités. Gordini ne s'était jamais préoccupé de ses concurrents. Il avait toujours fait son travail au mieux de ses possibilités matérielles, et avait compensé son manque de ressources par des solutions simples et souvent efficaces, tout en étant conscient que la pauvreté lui avait fait perdre du temps.
Paradoxalement, c'est ce comportement très recentré sur sa personne qui avait forgé le mythe Gordini. C'était un homme droit, qui respectait la parole donnée, et qui possédait un grand sens de l'amitié. Malgré les aléas, ce travailleur acharné et autoritaire était toujours demeuré apprécié et respecté de la plupart de ses ouvriers.

Cette image montre la difficulté pour Gordini de mener ses voitures jusqu'à la ligne d'arrivée. La pilote Gilberte Thirion (1928-2008) pousse son bolide en panne lors des 12 Heures de Reims 1956.
Gordini avait construit en tout et pour tout sept Simca Gordini avant guerre, et trente deux châssis après guerre. Il avait été présent au Mans depuis la reprise en 1949. Ses meilleurs résultats dans la Sarthe furent une sixième place en 1953 et en 1954. Gordini avait battu Ferrari en Formule 2 à Genève en 1950, puis à Reims en 1952. L'écurie avait remporté deux victoires au Tour de France automobile, trois Bol d'Or, de multiples victoires de catégories dans diverses compétitions.
13. L'accord avec Renault
Les premiers contacts entre la Régie et Gordini eurent lieu à la mi 1956. Le constructeur français souhaitait étoffer sa gamme avec une version à tendance sportive produite en grande quantité. Cela permettrait d'une part de répondre à une attente de la clientèle, d'autre part de renforcer l'image dynamique du constructeur. Au pied du mur, Amédée Gordini n'avait pas d'autre choix que de tendre la main à la Régie. En dehors des compétences techniques du sorcier, Renault achetait aussi un nom extrêmement populaire.

Amédée Gordini fait la une de  " Moteurs Courses " du 1er trimestre 1957.

En Janvier 1957, Gordini concluait un accord salvateur avec Pierre Dreyfus, PDG de Renault. Celui ci prévoyait que Gordini allait désormais se concentrer, non pas sur des voitures complètes, mais seulement sur des moteurs. Gordini, en cédant aux attentes de Renault, venait de sauver son affaire, et l'emploi de ses salariés. Certes, rien n'allait plus être comme avant. Il n'était plus question de construire des voitures, n'y d'aller toutes les semaines de circuit en circuit.
Fernand Bucchianeri expliquait en 1957 dans le numéro 14 du quatrième trimestre de la revue " Moteurs Courses " l'histoire de l'entente cordiale Renault Gordini :
" C'est une histoire toute simple et humaine. Pour en apprécier toute la délicatesse, il suffit de se rappeler la détresse dans laquelle se débattait Gordini, au lendemain de la catastrophe des 24 Heures du Mans de 1955. Pris de panique, tous les organisateurs dénonçaient leurs contrats. Le monde sportif attendait sa condamnation. Privé de ressources immédiates, Gordini attendait en vain une subvention nationale qui ne venait pas. Le chômage menaçait le petit atelier du Boulevard Victor. Gordini, le puncheur, réputé pour sa rude persévérance et sa puissance de travail, allait plier un genou à terre. Le regard plein de muette interrogation de ses fidèles compagnons lui serrait la gorge et lui faisait tirer plus nerveusement sur sa cigarette. Tous les jours, il recevait longuement des personnes-lui-voulant-du-bien, venant lui proposer des affaires mirifiques, dans le seul but, juraient-elles , de l'aider à sortir de cette impasse. Des mots, des promesses .... Le temps passait. Les échéances s'avéraient de plus en plus lourdes et impérieuses. Le miracle arriva un matin d'hiver, en la personne de M. Fernand Picard, Directeur des Etudes et des Recherches à la Régie Nationale des Usines Renault ... Dans un restaurant de Meudon, loin d'oreilles indiscrètes, le père de la Dauphine et le sorcier de la mécanique ont fait ce jours-là plus ample connaissance. Tous deux se connaissaient depuis de longues années. Chacun appréciait les mérites de l'autre, mais sans plus, ni l'un ni l'autre n'ayant eu l'occasion de se sonder plus profondément. Au terme de ce déjeuner, rien de définitif n'a été arrêté, mais tous deux se sont promis de chercher une solution. Fernand Picard avait en termes sobres résumé la pensée de la Régie : " Vous avez de nombreux amis chez nous ! Travailler avec vous nous ferait plaisir. Comment ? C'est à trouver ! Faites nous des propositions. Nous les étudierons avec une attention toute particulière " ... Cette minute, Amédée Gordini l'attendait depuis plusieurs années, lui qui, doté d'un solide sentiment nationale, est particulièrement sensible à tout ce qui gravite autour du prestige français. Ce prestige Fernand Picard sait à présent comment l'atteindre une fois de plus. La Dauphine était prête pour ce nouveau service ... ". Cette Dauphine améliorée contenterait une clientèle, réduite peut être, mais existante cependant ... Ne pouvant interrompre ses chaînes pour cette production, la Régie accepterait volontiers de confier cette tâche à un homme averti. Gordini était cet homme ... "

Amédée Gordini lors de tests de la Dauphine à Montlhéry, " Moteurs Courses " du 4ème trim.1957.


Cette photo, prise le jour de présentation officielle de la Dauphine Gordini, revêt le caractère d'un document historique. On reconnaît de gauche à droite, M. Pierre Dreyfus, PDG de Renault, Amédée Gordini et Fernand Picard. Source : " Moteurs Courses " du 4ème trimestre 1957.
Gordini entrait dans une phase plus calme de sa vie, après s'être battu contre vents et marées, même quand tout semblait perdu, au point de rendre son combat pathétique. Cette attitude n'avait au final fait que le rendre plus sympathique aux yeux du public, qui s'était pris d'affection pour sa persévérance. Mais une page se tournait.

Monsieur et Madame Gordini, source : " Moteurs Courses " du 1er trimestre 1957.

Avec le recul du temps, il s'avère que Fernand Picard, patron du bureau d'étude de la Régie, avait vu juste là où Pigozzi et Simca avaient abandonné cinq ans plus tôt. L'impact de l'alliance du constructeur de Billancourt avec le sorcier allait être bien plus important  que tout ce que les prévisions les plus optimistes avaient pu laisser croire.

Amédée Gordini, avec 2 " accessoires " qui collent à son image, la cigarette au bec et le chrono.


L'Oscar du sport Automobile déjà détenu par LV Roussel, Charles Faroux, Raymond Roche et Jean Behra fut remis par le cercle des pilotes " Los Amigos ", fondé en 1953, à Amédée Gordini en présence de tous ceux qui contribuèrent à assurer sur les circuits du monde entier le succès des voitures bleues, et que pour la plupart il forma. On reconnaît de gauche à droite : Jean Lucas, Mike Sparken, Nano da Silva, Harry Schell, puis au premier plan Robert Manzon, Amédée Gordini, Maurice Trintignant, Jacques Pollet, Jean Behra, Olivier Gendebien et Charles Rinen  Source :  AAT, avril 1958 et  Moteurs Courses du 2ème trimestre 1958.
14. Que fit Amédée Gordini à partir de 1957
Entre 1957 et 1971, Amédée Gordini, sous le contrôle du bureau d'étude de la Régie, travailla sur une multitude de projets, soit à son initiative, soit à la demande de Renault : boîtes de vitesses, moteurs maritimes, moteurs pour voitures de course ..... Selon les sujets abordés, son domaine d'action se limitait au minimum à l'étude de plans sur papier, pour dans les meilleurs des cas aller jusqu'à la production en série. Le plus emblématique de ces projets porta sur l'étude de la Renault 8 Gordini.
En 1972, Amédée Gordini était nommé président d'honneur de la SA Renault Gordini. A 73 ans, il ne participait plus aux études. Le monde de la coure automobile avait changé. Des ingénieurs hautement qualifiés avaient remplacé l'artiste Amédée Gordini. Il assura un rôle de représentation pour la Régie jusqu'en 1976. Si ses amis l'appelaient Amédée, les autres se contentaient d'un Monsieur. Car Amédée Gordini était un " Monsieur ", n'en déplaise aux polytechniciens et au techniciens en herbe.




Le Journal de Tintin, dans son numéro 608 du 16 juin 1960, retraçait l'histoire d'Amédée Gordini.
15. Renault Dauphine Gordini
      A. Sa carrière commerciale
L'accord de janvier 1957 prévoyait que Renault livre les Dauphine complètes aux ateliers Gordini, qui en assuraient la transformation, avant de les restituer à la Régie, pour les intégrer dans son réseau de distribution.
Le but poursuivi par la Régie Renault en confiant à Amédée Gordini le soin de revoir le moteur de la Dauphine était de placer celle-ci au rang des petites voitures sportives italiennes. Si les modifications apportées par le mécanicien du Boulevard Victor n'étaient pas à proprement parler spectaculaires, elles étaient néanmoins réelles et permettaient de tirer 37 ch du petit 4 cylindres de 845 cm3 (puis 40 en 1960). La boîte 3 vitesses laissait sa place à une boîte quatre vitesses.
Amédée Gordini avait dû conjuguer avec un budget serré. Par rapport au modèle de base, la Gordini ne devait pas dépasser un surcoût à l'achat de 100 000 Francs. Elle était finalement facturée 654 000 Francs aux clients. La Régie devait gagner de l'argent avec cette version, il fallait donc proposer des solutions au rapport coût / efficacité sans danger. Renault se devait aussi d'assurer la garantie de la voiture dans son réseau. Il n'était alors pas question de s'aventurer sur des terrains inconnus pour le garagiste du village. Enfin, la voiture devait demeurer fiable, et il ne fut jamais question d'en faire un engin de course aux réglages sophistiqués.



Le terrain de jeu de la Dauphine Gordini n'était pas limité à l'hexagone.

La Renault Dauphine Gordini fut officiellement présentée au salon de Paris 1957. Le lancement commercial fut assez discret. Renault préférait mettre en avant la 200000ème Dauphine de série sortie d'usine. La Régie doutait sans doute de la capacité de Gordini à assurer de gros volumes. Un succès trop important aurait eu pour effet d'allonger les délais de livraison, et de nuire à l'image du nouveau tandem. Il valait mieux débuter modestement et sûrement.
Mais même avec un lancement discret, le carnet de commande de la Dauphine Gordini se mit à gonfler de manière inquiétante. Pour palier à l'urgence, la Régie proposa à Gordini une solution assez brutale. Le constructeur français reprenait à son compte, au sein de ses usines, la production entière de la voiture, et s'engageait à rembourser au sorcier les frais engagés dans cette nouvelle aventure. Gordini touchait par ailleurs un montant fixe pour chaque Dauphine vendue portant son nom. A l'heure de faire un premier bilan, il n'y eut qu'une dizaine de Dauphine Gordini à avoir été transformées Boulevard Victor.

Feuillet spécifique à la Renault Dauphine Gordini pour 1959.

La Dauphine Gordini fut temporairement, en 1961 et 1962, remplacée par la Ondine Gordini, une version plus luxueuse. La Ondine disparaissait dans la gamme 1963, pour laisser de nouveau la place libre à la Dauphine Gordini.

La Ondine Gordini dans les rues de Paris en 1962.

En 1962 et 1963, Renault vendait une Dauphine bien plus sportive encore que la Gordini, la mythique 1093, élaborée avec l'appui d'Autobleu. Il s'agissait d'une petite bombe capable d'en mettre plein la vue à à peu près tout ce que l'on trouvait sur les routes au début de la décennie. Forte de 55 ch SAE, la 1093 distançait sans peine la Gordini et ses 40 ch SAE. Son faible rapport poids / puissance lui autorisait des performances dignes de voitures de cylindrée double. Elle fut produite entre 1961 et 1964 à 1485 exemplaires, dans une teinte unique, le " Blanc Réjane 305 ". Pour la course, Renault préféra prendre pour base cette 1093, en faisant réaliser des prototypes tout en aluminium avec un moteur frisant les 70 ch.
A partir de septembre 1966, seule la version Gordini de la Dauphine demeurait disponible. Le nom Gordini n'était plus visible sur la carrosserie, puisque désormais réservé à la Renault 8 Gordini 1300. Les dernières Dauphine Gordini sortaient des ateliers de Brissonneau et Lotz en décembre 1967. La Régie y avait en effet transféré ses chaînes pour libérer de la place à Flins courant 1967.
Durant sa carrière, la Dauphine Gordini bénéficia des multiples améliorations apportées au modèle standard. Ces améliorations techniques ne modifièrent en aucun cas le comportement général de l'auto, dont la puissance du moteur demeura toujours modeste. Amédée Gordini n'avait plus grand chose à voir dans ces évolutions, mais l'apposition de son nom sur cette voiture contribua certainement pour une large part à son succès.

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B. Vue par la presse spécialisée
La presse automobile, en particulier les trois titres principaux de l'époque (l'Automobile, l'Auto Journal et l'Action Automobile), publia régulièrement des comptes-rendus d'essais de la Dauphine Gordini. Ses différents exploits en compétition furent aussi largement relatés dans cette presse.
L'Automobile annonçait dans une brève de son numéro de février 1958 :
" La nouvelle n'est pas encore officielle, mais elle risque de le devenir. Fin mars pour être précis. A ce moment, la contrat qui liait " le sorcier " à la Régie Renault viendra à expiration. On risque alors de s'apercevoir que Gordini n'a pas été en mesure de livrer les 1000 Dauphines prévues par leur accord. Le prétexte serait mis à profit par Renault pour reprendre sa liberté. Renault qui se trouve, d'autre part, en difficulté avec un affluence de demandes d'usagers séduits par cette nouveauté. Donc la Régie Renault n'abandonnerait pas la Gordini. Mais elle poursuivrait l'affaire à son compte avec ses propres méthodes et son outillage. Il est évident que Gordini serait défrayé sous la forme d'une Royalty ".

Couverture du mensuel L'Automobile, mai 1960.

Extrait du numéro de mai 1960 de  l'Automobile :
" Le moteur est maintenant identique à celui de la Floride. C'est à dire qu'il développe 40 ch grâce à un carburateur Solex de 32 mm de passage et à des soupapes d'admission de 28,2 mm de diamètres. L'enseignement des courses a porté ses fruits puisque l'arbre à cames donne un croisement de soupapes plus important, s'apparentant à celui des 1063 ... Sa vitesse de pointe accrue, exige du conducteur un certain doigté. Pour véritablement tirer parti de cette voiture, il faut déjà avoir " taté " de la Dauphine ... La Gordini est un compromis assez heureux, il faut le reconnaître, entre la voiture de tourisme et le véhicule de sport "
Bernard Carat dans l'Auto Journal du 11 août 1960 semblait regretter que le nom de Gordini soit à ce point dévalorisé :
" On sait que, depuis près d'un an, la Dauphine spéciale n'a plus de Gordini que le nom et les monogrammes posés sur l'aile avant et le capot arrière. Sa mécanique n'est autre que l'ensemble étudié par la Régie pour la Floride ... En ne faisant rien pour la compétition et peu de choses pour les rallies, la Régie Renault veut ignorer les enseignements du sport automobile et, d'un autre côté, achète le nom d'Amédée Gordini qui a cessé lui aussi toute activité sportive ... "

Couverture du numéro de juin 1960 de l'AAT. Le mensuel très lyrique n'hésite pas à évoquer un " pur-sang " dont la mécanique affûtée répond aux désirs des amateurs de conduite sportive.
Extrait d'un essai de l'Ondine Gordini par Alain Bertaut dans l'AAT de juillet 1961 :
" Il serait superflu de vouloir présenter ici la Dauphine Ondine Gordini, qui fit sa première apparition au Salon de Paris 1960 ... On sait qu'elle se distingue de la Gordini normale par une finition plus recherchée ... Tout en se prêtant à une conduite très rapide, l'Ondine Gordini exige beaucoup de doigté. Il faut en avoir grande habitude pour en tirer le meilleur parti. Alors seulement ses qualités de maniabilité apparaissent pleinement ... Dans sa classe, il s'agit d'une voiture brillante. Peut être trop brillante si l'on considère que près de 130 km/h est une vitesse élevée quand on a entre les mains moins de 700 kg, que, comme toutes les Dauphines, l'Ondine Gordini est très sensible au vent latéral, et qu'il ne faut pas se laisser surprendre par la tendance du train arrière à décrocher. Pour qui a la patience de bien la connaître, il y a de grandes satisfactions à en attendre ".
      C. A travers la publicité
La Régie diffusa un nombre important de catalogues et dépliants pour promouvoir sa Dauphine. La Gordini y figurait régulièrement en bonne place.

Publicité pour les Pays Bas.


Page de couverture du catalogue spécifique à la Renault Dauphine Gordini 1961, marché français.


Page de couverture du catalogue général Dauphine / Ondine / Gordini pour 1962, marché français.


Page de couverture du catalogue Ondine Gordini pour les Pays Bas, 1962.


Page de couverture du catalogue Dauphine pour le marché britannique en 1963.


Page de couverture du catalogue spécifique à la Renault Dauphine Gordini 1964, marchés export.


Page de couverture d'un dépliant canadien, 1964.


Feuillet pour le marché italien, 1964.


En 1966, Renault ne propose plus que la Gordini dans la gamme Dauphine, dépliat marché français.


Page de couverture de l'ultime catalogue Dauphine Gordini 1968, marché français.


Le renommée internationale de la " marque " Gordini s'étendait jusqu'en Amérique du Sud.


La Renault Gordini fut produite au Brésil sous licence par Willys-Overland à 41045 exemplaires de 1962 à 1968. En difficulté, Renault vendait en 1968 ses parts dans Willys-Overland à Ford.
      D. En compétition
Engagée dans de nombreuses compétitions nationales et internationales, la Dauphine Gordini signait ses premières victoires significatives au Monte Carlo puis au Tour de  Corse 1958. Son palmarès fut éloquent, mais la Dauphine Gordini fut rapidement éclipsée par la mythique 1093 à partir de 1962, puis par la Renault 8 Gordini à partir de 1964.

La Renault Dauphine Gordini sur le Rallye de Monte Carlo en 1962.

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16. Renault 8 Gordini
      A. Naissance d'une icône du sport automobile
Rien ne prédisposait la Renault 8, cette petite berline, digne héritière des 4 CV et Dauphine à moteur arrière, à connaître une brillante carrière sur circuit. Commercialisée en juin 1962, ses prétentions demeuraient modestes, avec son 956 cm3 de 48 ch SAE. La version Major de 1964 apportait un peu de puissance grâce à l'adoption du moteur 1108 cm3 de la Floride. Ce bloc allait bientôt faire son entrée dans l'histoire, grâce à Amédée Gordini. En effet, au salon de Paris en octobre 1964, Renault présentait la Renault 8 Gordini.

Amédée Gordini devant la Renault 8 qui porte son nom.

La présence de la Renault 8 Gordini sur le salon parisien constituait un évènement, et les journalistes de la presse spécialisée ne se firent pas prier pour succomber aux charmes de la nouvelle venue. On n'avait encore jamais vu une voiture française sportive à ce niveau de gamme capable d'atteindre 170 km/h, et de parcourir le kilomètre départ arrêté en 33 secondes. La Renault 8 Gordini n'était pas une voiture de sport, il s'agissait d'une voiture de course. Renault s'était attaché à la proposer à un prix de vente raisonnable compte tenu des performances annoncées. Elle valait 11 500 francs (contre 7000 pour une Renault 8 ordinaire), soit sensiblement le même prix qu'une bourgeoise Peugeot 404 à Injection.
Elle arborait une robe " bleu France " référence " bleu 418 ", rehaussée de deux bandes blanches. Une Renault 8 Gordini se distinguait immédiatement dans la circulation, et il était impossible de la confondre avec une quelconque Renault 8 Major de série à la teinte métallisée. Ce bleu fut retenu comme étant la teinte unique de la Renault 8 Gordini, excepté dans les deux dernières années de sa carrière.

La Renault 8 Gordini dans sa robe " bleu 418 ".

Dans le souci de limiter le prix de revient, la Régie avait conservé le maximum d'éléments de la Renault 8 de base. La puissance avait quasiment doublé, passant de 50 ch SAE sur la Major à 95 ch SAE sur la Gordini. Les suspensions étaient plus dures, la caisse était surbaissée, la direction plus directe, les freins plus performants ...
La Renault 8 Gordini n'avait plus rien à voir avec la Dauphine du même nom. Elle était aussi performante qu'une Austin Healey 3000 ou une Triumph TR4 sur le 400 mètres départ arrêté, et battait sur cette distance une Facel 6, une Alfa Romeo Giulia TI Super ou une Austin Cooper S.
Renault avait pris un risque en exigeant de ses ingénieurs que la 8 Gordini conserve les qualités d'une voiture de tourisme en l'équipant d'un moteur aussi puissant. Ce fut une réussite. Son conducteur pouvait l'utiliser pour aller à son travail durant la semaine, avant de rejoindre les circuits le week-end.
Commercialement, les ventes des premières Renault 8 Gordini demeuraient assez confidentielles. Mais la présentation officielle d'une version 1300 (1255 cm3) au salon de Paris en octobre 1966 allait changer la donne. La Renault 8 Gordini gagnait 15 ch à 110 ch SAE, adoptait une calandre à quatre phares et des carburateurs Weber (en lieu et place des capricieux Solex). Ces quatre phares changeaient véritablement la physionomie de la voiture et contribuèrent largement à la naissance du mythe. Le magazine Moteurs annonçait dans son numéro 55 de juin 1966 un gain de 5 km/h en vitesse de pointe, d'une seconde sur le kilomètre départ arrêté, et de 0,9 seconde sur le 400 mètres.


La nouvelle Renault 8 Gordini 1300 de 1966, identifiable à ses 4 projecteurs.

En novembre 1966, JP Thevenet essayait pour le mensuel l'Automobile la Renault 8 Gordini 1300, et concluait ainsi son article :
La R8 Gordini 1300 est une suite logique à la 1100. Son rapport cylindrée / performance l'abrite pratiquement de toute rivalité dangereuse pouvant venir tant de France que de l'étranger. Tout comme sa devancière, elle est une solution mixte qui, bien que possédant un caractère sportif très accusé, n'interdit pas les déplacements urbains ou familiaux. Par son esprit, plus encore que par sa conception, elle est destinée à une clientèle sinon fanatisée, tout au moins très acquise à la conduite rapide, donc plus amoureuse de performances que de confort. Toutefois, le fait d'être acquis n'impliquant pas d'être éduqué, les aspirants champions voudront donc bien se souvenir qu'à 175 km/h, la conduite de la Gordini 1300 n'exige sans doute pas un certain talent, mais à tout le moins une attention certaine. Voiture susceptible d'amuser les grands et les moins grands, la Gordini 1300 s'imposera d'elle même ... "

En fin de carrière, la 8 Gordini osa quelques teintes flashy.

      B. Sur les rallyes
La nouvelle Renault 8 Gordini se fit rapidement remarquer en compétition, en remportant en novembre 1964 le Tour de Corse. Des conditions météo exécrables avaient entraîné l'abandon de 71 voitures sur les 79 au départ. A l'arrivée, quatre des cinq premières voitures étaient des Renault 8 Gordini, dotées de mécaniques affûtées à 100 ch. Comme le précisait Christian Moity dans " l'Automobile " de décembre 1964, " Cette entrée des Renault Gordini s'achevait sur un triomphe encore jamais connu. Le baptême prenait, déjà, l'allure d'un sacre ! ".

La Renault 8 Gordini de Vinatier et Masson mène la course devant celle de Ferret et Hoffmann sur le Tour de Corse 1964. Source : Moteur N° 46, décembre 1964.
La Renault 8 Gordini allait s'illustrer sur les plus grands rallyes de l'époque, de nouveau sur le Tour de Corse à partir de 1965, mais aussi sur le Lyon Charbonnières, à Montlhéry, à la course de côte du Mont-Dore, à la Coupe des Alpes, à la Coupe du Roi de Spa-Francorchamps ... aux mains de jeunes pilotes qui firent carrière : Nicolas, Vinatier, Piot, Orsini, Larousse, etc ...

Le supplément du magazine L'Automobile de décembre 1965 revenait sur la victoire d'Orsini et Canonici sur le Tour de Corse 1965. Les Renault 8 Gordini prirent les 1ère, 3ème et 5ème places, laissant les 2ème et 4ème places aux Alpine.

Ambiance sur le Tour de Corse 1966. Pour Jean François Piot la victoire ne tient plus qu'à un fil. Il gagne ce rallye avec son équipier Jacob. Les 8 Gordini suivantes se positionnent en 8 et 9ème places. Source : L'Automobile, numéro 248, décembre 1966.
      C. La Coupe Renault 8 Gordini
Mais c'est la création de la Coupe Gordini qui allait véritablement lancer la carrière de la Renault 8 Gordini. L'idée d'une coupe avait vu le jour en 1965 au sein de l'équipe du magazine Moteurs, sous l'impulsion de Georges Fraichard, son rédacteur en chef. L'idée de Georges Fraichard était de " donner la possibilité à des conducteurs français de prendre part à des épreuves dans des conditions honorables et pas trop dispendieuses ".
Des contacts furent pris avec Robert Sicot, alors responsable des relations extérieures de la Régie Renault. Ce sont Claude Hainaut, technicien de Renault, et le journaliste Alain Bertaut de l'AAT, qui furent chargés d'organiser et de promouvoir la nouvelle formule. Un premier projet de règlement paraissait dans le numéro de septembre 1965 de Moteurs.

Alain Bertaut en 1961, source AAT de juillet 1961.

Ce n'était certes pas la première formule de promotion qui existait, mais celle-ci, particulièrement économique, et largement soutenue par la Régie, remportait rapidement un succès massif auprès des sportifs en herbe et auprès du public. Pour la première fois, ce sont les pilotes les plus rapides qui pouvaient s'imposer, et non pas les plus riches. La Régie s'était engagée à de gros efforts sur les tarifs des pièces détachées, et sur les révisions et réparations chez les concessionnaires. Les prix encore peu élevés de la tôlerie permettaient de conduire avec une certaine agressivité. Les Renault 8 Gordini, à part quelques modifications minimes autorisées et strictement encadrées, étaient d'origine, afin de ne pas faire exploser les budgets.
La moyenne d'âge des pilotes était de 22 ans, et parmi eux il y avait des mécanos, des représentants, des étudiants ... L'un des objectifs assigné par la Fédération Française des Sports Automobiles à cette nouvelle coupe  était de faire éclore de nouveaux talents. Le public adorait le spectacle, avec ses innombrables tête-à-queue, sorties de piste, accrochages ... La Coupe prenait de plus en plus d'ampleur, et le public manifestait à chaque représentation son enthousiasme.
Cette coupe Gordini devint comme espéré un extraordinaire tremplin pour plusieurs jeunes pilotes débutants, qui connurent ensuite une carrière remarquable : Ragnotti, Andruet, Thérier, Fréquelin, Jabouille, Jarier, Darniche, Snobeck, etc ...  Sur cinq ans, plus de 110 courses furent organisées, permettant à 46 pilotes d'accéder à la plus haute marche du podium.

Ambiance de course. Source : Moteurs N° 61, mai 1967.


A ses débuts, la Coupe Gordini alternait courses de côte et courses sur circuit. C'est cette dernière formule qui fit le succès de la Coupe. Source http://www.larevueautomobile.com.

La Coupe Gordini sur le circuit de Spa face au raidillon. Source http://www.larevueautomobile.com.


Les performances atteintes en conduite sportive ne pouvaient être obtenues qu'à l'issue d'une gymnastique de conduite hors du commun, qui nécessitait presque un brevet d'équilibriste. Source http://www.larevueautomobile.com.

Robert Mieusset, vainqueur de la finale de la Coupe Gordini 1966 qui eu lieu au Mans le 2 octobre 1966, Amédée Gordini, et Denis Dayan, lauréat du Trophée Dunlop, qui récompensait le premier du classement général sur l'année.

François Lacarau, vainqueur de la Coupe Gordini en 1967, en compagnie d'Amédée Gordini. Source Moteurs, N° 64, novembre 1967.

Amédée Gordini et Bernard Mange,vainqueur de la Coupe Gordini en 1970, Source Moteurs, N° 82, décembre 1970.

Le jeune magazine Echappement revient sur les évènements de la Coupe Gordini dans son numéro 11

      D. Les brochures publicitaires
Renault fit imprimer différents documents publicitaires pour vanter les mérites de la 8 Gordini. Ceux ci sont depuis longtemps fort prisés des collectionneurs.

Couverture du 1er dépliant publicitaire consacré à la 8 Gordini, 4 pages, 235 x 310, 10/64.


Renault 8 Gordini, 1967, catalogue publicitaire de 20 pages, format 310 x 230. Un autre document de plus petit format, 185 x 135, tout aussi rare, fut également diffusé par la Régie. Vous pouvez retrouver l'ensemble de ces publications sur http://lesrenaultdepapier.fr/r8.htm.

      E. Les publicités dans la presse
Renault n'était pas avare de publicité dans la presse spécialisée, comme en témoignent ces quelques annonces parues dans le magazine " Moteurs ", mais que l'on retrouvait aussi dans d'autres publications. 

Publicité parue dans Moteurs N° 49, mai juin 1965. Cette publicité pour laquelle Amédée Gordini donnait de sa personne fut largement diffusée dans nombre de magazines automobiles.

Publicité parue dans Moteurs N° 65 de janvier 1968.


Publicité parue dans Moteurs N° 74 de juillet 1969.


Extrait d'une publicité parue dans Moteurs N° 78 d'avril 1970.

      F. Le magazine Moteurs et la Coupe Gordini
Le magazine Moteurs, initiateur de la Coupe Gordini, consacra plusieurs couvertures à la Renault 8 Gordini.

Moteur, N° 58 de décembre 1966.


Moteurs, N°74 d'août 1969.


Moteurs, N°82 de décembre 1970.

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G. La Coupe Gordini est ses partenaires
Les partenaires et fournisseurs de la Coupe Gordini ne manquaient pas de profiter du prestige de cette épreuve pour valoriser leur image.

La Coupe Gordini était porteuse d'une image forte. Elf ne s'y était pas trompé, en soutenant cette compétition. Publicité parue dans l'AAT en janvier 1969.

L'image de la Renault 8 Gordini, même si elle n'est pas nommément citée, était régulièrement utilisée par Elf dans ses campagnes publicitaires. Source : AAT de décembre 1970.

Dans cette publicité, c'est le fabricant de pot Devil qui met en avant sa participation à la Coupe Gordini. Source : Moteurs N° 78 de juillet 1970.

Le logo des garnitures de freins Abex figurait en bonne place sur les combinaisons des pilotes en 1970, à côté des autres sponsors : Renault, Moteurs ou Elf. Source  : Moteurs N°77, février 70.

Klippan, fournisseur de ceintures de sécurité et de harnais,était associé à la Coupe Gordini, et tenait à le faire savoir. Source Moteurs N° 78, avril 1970.

Publicité pour les bougies Eyquem. Source Moteurs N° 82, décembre 1970.


Le fabriquant de prêt à porter Podium s'associa à la Coupe Renault 8 Gordini et au pilote Henri Grandsire pour promouvoir sa nouvelle collection Printemps 1968.
      H. La Renault 8 Gordini tire sa révérence
La jeunesse s'était appropriée la Renault 8 Gordini. Les années 60 y étaient favorables. Le sport automobile était à la mode. Alpine volait de succès en succès en rallyes. L'équipe Matra faisait ses premiers pas. Nous étions au coeur des trente glorieuses.

Amédée Gordini et la Renault 8 Gordini, le vieil homme et sa machine.

Toutefois, au début des années 70, ce vent de folie commençait à s'apaiser. La Renault 8 Gordini avait beau être un modèle adulé par de nombreux fidèles, ses ventes baissaient, face à des offres concurrentes plus modernes. Le principe de la propulsion arrière perdait du terrain. Tous les grands constructeurs se ralliaient progressivement à la traction avant, plus simple à contrôler et moins onéreuse à produire.
La Renault 8 Gordini fut fabriquée à 2623 exemplaires en version 1108 cm3, puis à 9580 exemplaires en version 1255 cm3. Elle tirait sa révérence en juin 1970.

La rencontre de deux monstres sacrés du sport automobile lors des 1000 km de Monza en 1966. Source : Moteurs n° 55 de mai 1966.

Jean Rédélé, le père des Alpine, et Amédée Gordini, étaient tous deux très liés à Renault. Ils sont ici en face du V8 Gordini qui équipait pour sa première course l'Alpine 3 litres aux 1000 kilomètres de paris en octobre 1967.

Sur cette photo prise en 1971 à l'école de pilotage du circuit Paul Ricard lors de la finale du " Pilote Elf 72 ", on reconnaît notamment de gauche à droite, José Rosinski (barbu), François Cevert (blouson bleu), Ken Tyrell (en cravate à sa droite), puis tout à droite Amédée Gordini et Jean Rédélé. Patrick Tambay, 22 ans, lauréat, est au volant de la monoplace Alpine Renault. Source : Echappement n° 38, décembre 1971.








17. Des ateliers du Boulevard Victor à l'usine de Viry-Châtillon
Pendant vingt huit ans, dans un garage désormais d'un autre âge installé aux portes de Paris, une équipe de mécanos avait été à l'origine de quelques deux cent victoires dans les plus grandes courses automobiles du monde. Mais ces installations avaient vieilli, et ne suffisaient plus pour répondre aux exigences de Renault.
La Régie décidait de financer la construction d'une nouvelle usine à Viry-Châtillon, au sud de Paris, au bord de l'Autoroute A6. Elle était opérationnelle à la fin de 1969, et rendait hommage à Amédée Gordini en portant son nom. La plupart des machines et des stocks du Boulevard Victor furent transférés sur le nouveau site. Lors de sa construction, elle disposait d'une surface couverte de 1 666 m2, et de 12 500 m2 de surface au sol. En 1974, 47 personnes y travaillaient.

La nouvelle usine Renault Gordini de Viry-Châtillon

Amédée Gordini ne parvint jamais à se faire à ces installations modernes. Il ne se sentait plus chez lui dans cette usine neuve, sans passé, où s'agitaient de nouvelles équipes de techniciens. Régulièrement, il retrouvait le bureau et le petit atelier qu'il avait conservé Boulevard Victor, dans des locaux désormais vide de toute machine.

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18. Renault 12 Gordini
      A. La genèse
Cinq Renault "civiles" portèrent le nom de Gordini. Par ordre d'arrivée sur le marché, les Dauphine, Renault 8, Renault 12, Renault 17 et Renault 5. Les deux premières, la Dauphine et la Renault 8, avaient bénéficié du travail de sorcellerie d'Amédée. Les trois autres portèrent ce nom magique uniquement par pure stratégie commerciale. La suite de l'histoire avec la Renault 12.

Cette mise en scène mettait en avant l'engagement de Elf dans la Coupe Gordini.

L'étude de la Renault 12 avait débuté en 1965 au sein de la Régie. Il s'agissait de concevoir une berline simple techniquement, dans la catégorie des 7/9 CV, où Renault était mal représenté. Celle-ci se devait d'être spacieuse, économique à l'usage comme à la construction, solide pour les marchés d'exportations, simple à assembler dans n'importe quel pays, et capable d'évoluer vers d'autres déclinaisons. La Renault 12 était dévoilée au public au Salon de Paris, en octobre 1969.
Son évolution sportive, la Renault 12 Gordini, voyait le jour en 1971. Par rapport à la Renault 8 Gordini, la 12 Gordini revendiquait une polyvalence accrue, avec cinq vraies places assises, et la possibilité d'un usage quotidien, grâce à un confort et une fiabilité améliorés. L'apparence de l'auto était plus flatteuse que celle de la Renault 8, à une époque où le " paraître " avait toute son importance.








L'image du sorcier était encore bien présente dans l'esprit du public, renforcée par les récents succès des Renault 8 Gordini. Mais Amédée Gordini n'intervint jamais sur cette nouvelle voiture. Avant la commercialisation de l'auto, des rumeurs avaient fait état des difficultés que rencontraient les techniciens de la Régie à la mettre au point. Quoiqu'il en soit, l'accueil de la presse spécialisée fut plutôt favorable. Mais celle ci ne manquait pas de souligner qu'il s'agissait plus d'une berline sportive que d'un engin destiné aux circuits.
      B.Le jour G









Le public des gordinistes fit connaissance avec la Renault 12 Gordini lors d'une journée spéciale organisée par Renault sur le circuit du Castellet le week-end du 18 et 19 juillet 1970. L'Action Automobile décrivait ainsi cette journée dans son numéro d'août 1970 :
" Ce fut un débarquement de 2500 " Gordinistes" et 750 " Alpinistes " sur le circuit Paul Ricard du Castellet. Pour les recevoir, la Régie Renault n'avait pas lésiné sur les moyens : 350 moutons, 5000 litres de vin, beaucoup de bouteilles de Ricard, 3000 matelas pneumatiques installés sous d'immenses chapiteaux, deux orchestres, 5 kilomètres de guirlandes lumineuses, un écran géant " drive in " de 40 m sur 12 pour la projection de films Elf, 100 douches ... et beaucoup de bonne volonté. Ce fut une nuit dantesque et le gigantesque " méchoui " rappelait plutôt une scène du Satyricon que " d'une partie de campagne ". Le vin coulait à flot, les orchestres étaient déchaînés et pour une fois les Gordinistes avaient délaissé leurs voitures parquées dans un immense champ devenu bleu ".

Le jour G sur le circuit du Castellet

On célébrait à la fois la disparition de la Renault 8 Gordini, et la naissance de la Renault 12 du même nom. La Régie voulut créer l'évènement. Il n'était pas question de remplacer un mythe en catimini. L'idée était de confronter la nouvelle Renault 12 Gordini et son aînée sur circuit, afin de démontrer le potentiel supposé supérieur de la nouvelle venue.
Le doute s'installa rapidement chez Renault. Pour ne pas paraître ridicule, les Renault 12 Gordini qui devaient concourir au Castellet furent " optimisées " chez Alpine à Dieppe. Mais ainsi remaniées, elles n'avaient plus grand chose à voir avec le modèle de série. Douze Renault 12 Gordini furent acheminées dans la Var.

Ambiance familiale le Jour G -  Source : http://www.forum-auto.com

La nouvelle venue fut dévoilée durant l'après midi du dimanche. Amédée Gordini lui même avait fait le déplacement pour présenter la voiture portant son nom. Il fut acclamé par le public. Lors des courses qui virent s'affronter l'ancienne et la nouvelle Gordini, les performances des deux paraissaient assez similaires. Certains membres du public émirent déjà des doutes concernant l'aspect " purement d'origine " des Renault 12 Gordini présentes sur le circuit. Les pilotes (des professionnels, Darniche, Vinatier, Beltoise, Pescarolo, Ickx ...) qui conduisaient à tour de rôle l'une et l'autre des voitures n'avaient ils pas été " briefés " afin d'adapter leur conduite aux besoins du moment.

L'AAT annonçait dans son édition de juillet 1970 sous la plume d'Alain Bertaud la fête du Castellet.
      C. Un démarrage commercial laborieux
Le " grand public " pouvait enfin découvrir la Renault 12 Gordini au Salon de Paris en octobre 1970. Mais elle n'était pas encore à vendre, ce qui ne faisait qu'alimenter la rumeur concernant les difficultés de sa mise au point. On disait la voiture trop puissante, et il se murmurait que la caisse pouvait se briser. De plus, la Renault 12 Gordini " serait incapable de tenir la route ". Les rumeurs allaient bon train. Le silence de Renault ajoutait à la suspicion ambiante. La Renault 12 Gordini passa un temps pour une voiture fantôme. La commercialisation effective ne démarrait qu'au cours de l'été 1971. Ce n'est qu'en octobre que la production commençait à un rythme régulier. 
Extrait d'une brève parue dans le mensuel " l'Automobile " numéro 297 de février 1971 : " Amédée na pas été invité à partager les soucis que la Régie connaît avec la Renault 12 qui porte son nom. Baptisée sans doute un peu prématurément, sur le circuit du Castelet, durant le mois de juillet 70, elle recherche toujours une définition qui permettrait de l'installer avec sérénité sur les chaînes de fabrication. L'épure du train avant, en particulier, entraîne une usure anormalement rapide des pneus, incompatible avec la durée et les exigences rencontrées dans la Coupe Gordini, par exemple. On discute d'ailleurs beaucoup pour savoir si cette Coupe, qui est certainement la seule formule de promotion honnête que connaisse actuellement le sport automobile français, ne doit pas être reconduite avec feu les Renault 8 Gordini, qui avaient été mises au musée, peut-être un peu trop rapidement. " 

Le succès commercial de la R 12 Gordini ne fut pourtant jamais à la hauteur de celui de la R 8.

      D. Ses caractéristiques
La mécanique de la Renault 12 Gordini était issue de la Renault 16 TS, un 4 cylindres de 1565 cm3 et 113 ch Din. La voiture pesait 980 kg. A titre de comparaison, une Renault 12 ordinaire disposait de 54 ch pour un poids de 900 kg. La Renault 12 Gordini atteignait 185 km/h, contre 175 km/h pour les dernières Renault 8 Gordini 1300.
La Renault 12 Gordini était amputée de ses pare-chocs, les phares étaient simplement protégés par des butoirs. Deux longues portées étaient fixés au dessus de ces butoirs. Elle adoptait de nouvelles jantes et des roues plus larges, et conservait la fameuse teinte " bleu 418 ". Une ambiance sportive prévalait dans l'habitacle,  avec un volant ajouré, la présence d'un compte tours, etc ...  

Photo officielle de la Renault 12 Gordini dans sa première version

      E. Le cul entre deux chaises
Aux essais, il s'avérait que la Renault 12 Gordini manquait de motricité au démarrage (le train avant était inadapté à la puissance de la voiture). Elle avait une tendance marquée au tout droit dans les virages, surtout sur sol humide. Ce n'était pas terrible tant pour les chronos que pour la sécurité ! Les vrais amateurs n'étaient pas dupes. Il n'ignoraient pas que l'adoption de la traction avant ne correspondait plus à l'esprit Gordini. Les plus puristes d'entre eux la boudèrent, faute de retrouver les joies du survirage et le plaisir de conduite qui caractérisait la Renault 8 Gordini. En dépit de sa teinte " bleu 418 ", de ses bandes blanches et de son label Gordini, la Renault 12 Gordini ne pouvait prétendre à la même côte d'amour que celle qui l'avait précédé. Succéder à un mythe qui avait posé la barre très haute semblait relever de la mission impossible.

Sur cette couverture très colorée, le magazine l'Automobile annonce un match entre la Fiat Coupé 124 Sport, l'Opel Kadett Rallye 1900, l'Alfa Romeo 1750 Coupe GT Veloce, la BMW 2002 Ti, et la nouvelle Renault 12 Gordini.
Le père de famille qui recherchait une routière performante était déçu par le confort relatif et le niveau de consommation en carburant de l'auto en pleine crise du pétrole (plus de 15 litres au cent kilomètres). Pas franchement course ni franchement grand tourisme, la Renault 12 Gordini elle avait le cul entre deux chaises, sans satisfaire ni l'une ni l'autre des clientèles visées.

Renault 12 Gordini, ni franchement course, ni franchement grand tourisme.

Disponible uniquement en " bleu 418 " jusqu'en 1972, la Régie proposa ensuite un choix de couleurs plus vaste. En 1973, la Renault 12 Gordini adoptait des pare-chocs normaux et un intérieur moins spartiate. Pour 1974, elle s'embourgeoisait encore un peu plus, avec des vitres teintées, des appui-têtes intégrés ...
      F. La Coupe Renault 12 Gordini
La Coupe Gordini, désormais baptisée Coupe Renault Elf, se poursuivait avec la Renault 12 Gordini de 1971 à 1974. Claude Hénault et Alain Bertaut cédaient leur place à de nouveaux organisateurs. Le règlement, à quelques détails près, restait le même. La Régie avait repris l'opération à son compte. L'organisation ne semblait souffrir que d'un défaut, difficile à maîtriser. Comment en effet sanctionner les kamikazes qui bien protégés par leurs ailes, leur arceau et leur harnais avaient parfois tendance à jouer les cascadeurs ? Ce comportement poussait certains à oublier tout esprit sportif, et assombrissait le climat de camaraderie qui était traditionnellement le lot de la Coupe. Heureusement, avec le temps et quelques rappels à l'ordre, les remous disparurent aussi vite qu'ils se firent jour.

La Coupe Renault 12 Gordini

Certes, la Renault 12 Gordini ne glissait plus sur circuit comme son aînée, mais les courses demeuraient spectaculaires avec de belles empoignades. La coupe 1974 fut l'une des plus réussie, et à l'abandon de cette compétition, nombre d'amateurs, ceux là même qui s'étaient lamentés lors de l'arrêt de la Renault 8, pleuraient à leur tour l'abandon de la Renault 12 Gordini.
A partir de 1975, la Renault 12 Gordini cédait sa place sur les circuits à la Renault 5 LS. En quatre saisons, plus de 500 concurrents avaient pris part aux sélections, 191 pilotes s'étaient alignés sur la grille de départ, 75 épreuves avaient été disputées, portant sur la plus haute marche du podium 26 pilotes différents.

La Coupe Renault 12 Gordini - Source : Echappement n° 42, avril 1972

      G. La Renault 12 Gordini sur les rallyes
En dehors de la Coupe Gordini, la Renault 12 Gordini fut présente au départ de quelques compétitions de renom, après avoir subit un traitement vitaminé, qui portait la puissance jusqu'à 210 ch Din. Elle participa notamment à la Ronde Cévenole, au Monte Carlo, au Critérium Neige et Glace, au Rallye de l'Acropole, au Tour de Corse, au Rallye Londres Sydney, etc ... Les quelques compétitions où la Renault 12 Gordini se plaça en bonne position n'eurent que peu de retentissement sur le plan médiatique. A la même époque, la Berlinette Alpine lui volait la vedette. Bientôt, la Renault 17 puis la Renault 5 Alpine allaient la supplanter dans toutes les manifestations, même régionales. 

Patrick Depailler lors du Critérium des Cévennes en 1971 -


Renault 12 Gordini sur le Lyon Charbonnière en 1972 -


R 12 Gordini à la course de côte d'Argeles en 1972 -


La R 12 Gordini sur Le Tour de France 1975 -

      H. Une fin de carrière discrète
Fin 1974, la Renault 12 Gordini s'en allait. Il n'en fut vendu que 5188 exemplaires. Les dernières voitures furent cédées avec d'importantes réductions tarifaires.

Sur cette carte postale de Canet en Roussillon, une Renault 12 Gordini se présente dans une teinte orange, disponible au catalogue à partir de 1973.
Au cinéma, la Renault 12 Gordini a marqué son époque avec 90 secondes époustouflantes dans le film " L'emmerdeur " réalisé par Edouard Molinaro en 1973. Monsieur Milan, joué par Lino Ventura, y tenait la vedette avec Jacques Brel.

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La carrière commerciale des Renault 12 plus ordinaires fut on ne peut plus honorable avec plus d'un million d'exemplaires produits, et contribua à installer durablement le constructeur de Billancourt en bonne position sur le marché automobile des années 70, grâce à une gamme vraiment cohérente.
      I. La Renault 12 Gordini et la publicité

Couverture du catalogue publicitaire Renault 12 Gordini, modèle 1971, 16 pages, format 230 x 310


Publicité Dunlop parue dans Moteurs N° 85 d'Avril 1971



Double page de publicité parue dans Moteurs Courses N° 100 de mai 1973


Cette page de publicité qui ne mentionne pas expressément la Renault 12 permettait à Renault de mettre en avant son engagement dans le sport automobile à différents niveaux.

En 1974, la Renault 12 Gordini en fin de carrière ne fait l'objet que d'un simple dépliant publicitaire de quatre pages au format 230 x 210 - Retrouvez les autres documents publicitaires Renault Gordini sur http://lesrenaultdepapier.fr



A ne pas manquer, le forum de la Renault 12 Gordini sur forum-Auto




19.Renault 17 Gordini 
      A. Version civile
Les Renault 15 et 17 étaient officiellement présentées au public lors du Salon de Paris en octobre 1971. L'offre de Renault comportait quatre variantes, 15 TL (60 ch, moteur issu de la R 12) et 15 TS (90 ch, moteur issu de la R 16), 17 TL (90 ch, idem) et 17 TS (108 ch, moteur issu de la R 12 Gordini). Les deux versions de la R 17 pouvaient être munies d'un toit ouvrant.

Les premières esquisses du projet Renault 17

En septembre 1974 (donc pour le millésime 1975) la Renault 17 TS prenait le nom de Renault 17 Gordini. Il ne s'agissait que d'un simple changement d'appellation visible sur le hayon puisque la voiture demeurait identique. Mais il ne suffisait pas de porter ce nom pour devenir une véritable Gordini. La clientèle n'était pas dupe, et la présentation bourgeoise du coupé Renault ne pouvait en aucun cas la faire passer pour un modèle digne de succéder aux Renault 8 et Renault 12 Gordini.

Renault 17 Gordini, 1975

En mars 1976, les Renault 15 et 17 bénéficiaient d'un profond restyling de la carrosserie et de l'habitacle, qui offrait à ces deux voitures une véritable cure de modernité. A l'extérieur, on notait en particulier une nouvelle face avant, un hayon arrière redessiné avec la vitre alignée sur la tôlerie, et de nouveaux feux arrière avec une bande réfléchissante sur toute la largeur. L'intérieur se caractérisait par une planche de bord inédite et moins agressive,  et de nouveaux sièges de type " pétale ".
Cette nouvelle Renault 17 se déclinait en deux versions : la 17 TS, avec le 1647 cm3 emprunté à la R 16 TX (98 ch Din), et la 17 Gordini, dotée du  1605 cm3 (108 ch Din). Pour les millésimes 1978 et 1979, la Renault 17 Gordini disparaissait, et il ne subsistait plus au catalogue que la Renault 17 TS de 98 ch Din.


La double page consacrée à la Renault 17 Gordini dans le catalogue 1977 (+ zoom sur le texte).

La Renault 17 était un coupé plutôt luxueux, construit par souci d'économie à partir de la banque d'organe de la Renault 12. La combinaison d'une plate forme d'un modèle de grande série et d'une mécanique pétillante ne pouvait pas en faire un foudre de guerre. Son comportement routier n'était pas particulièrement rigoureux. Les Renault 17 TS puis Gordini avaient plus été conçues pour avaler de grandes distances à des moyennes élevées dans le meilleur des conforts que pour glisser sur circuit.
      B.Version course
Renault, par le biais de son service compétition de Dieppe, et sous la responsabilité de l'ingénieur Hubert Melot, avait tout de même développé une version course de la Renault 17. Elle était dotée d'un moteur de 1774 cm3 qui pouvait atteindre plus de 200 ch.  L'étude de ce moteur avait débuté en juin 1973, et fut terminée en février 1974.
Renault Gordini proposait deux possibilités : une version carburateur plus spécialement destinée aux rallyes, et une version injection pour les compétitions sur circuits. Le travail des ingénieurs porta essentiellement sur la culasse, les arbres à cames et le graissage.

Moteur Renault 17 Gordini, version course -  -  Source : http://www.forum-auto.com

Des pilotes tels que Nicolas, Darniche, Piot ou Thérier s'illustrèrent avec plus ou moins de succès dans différentes épreuves : la Ronde Cévenole, le Critérium Neige et Glace, le Monte Carlo, le Rallye du Bandama, l'East African Safari, le Rallye du Maroc, le Rallye des Pays de l'Est, le Tour de Corse, etc ...



Plusieurs des illustrations ci-dessous, qui présentent la Renault 17 Gordini en compétition proviennent du forum consacré aux  Renault 17 " ex usine " : http://www.forum-auto.com.




Thérier, lors du Critérium Neige et Glace en 1973


Thérier et Vial au Maroc en 1974


Ambiance très locale sur le East African Safari de 1975


Nicolas, sur la Ronde Cévenole en 1975


Au Rallye du Maroc en 1976



Dans les pays d'Europe de l'Est, la Renault 17 Gordini défendit brillamment les couleurs de la Régie

Et Renault le faisait savoir à travers sa documentation interne


Cette Renault 17 combattait au Liban en 1980

La Régie envoyait en 1974 sa Renault 17 Gordini et trois de ses meilleurs pilotes (Thérier, Darniche et Nicolas) aux Etats Unis au départ du " Press on Regardless ", un rallye organisé depuis 1949 par le Sports Car Club of America dans la péninsule du Michigan.  Face à une concurrence européenne exacerbée, avec des constructeurs aussi réputés que Fiat, Lancia, Porsche ou Volvo, la Renault 17 Gordini se plaçait aux première, troisième et sixième places. L'enjeu était important pour la Régie. Il s'agissait de faire connaître les marques Renault et Gordini sur le territoire américain, avec l'objectif clairement affiché de promouvoir les ventes de son coupé aux Etats Unis.


Darniche au volant de la Renault 17 Gordoni 7785 DW 92 lors du Press on Regardless


Trois voitures participèrent au Press on Regardless,dont la 2638 DR 92, pilotée par Thérier


La troisième voiture, la 7784 DW 92, pilotée par Nicolas.


Renault n'y va pas par quatre chemins en évoquant sa victoire au rallye " des Etats Unis ".

Au milieu des années 70, de nombreux points de vue s'affrontaient au sein de la Régie pour définir la stratégie à adopter sur le plan sportif. L'entreprise avait quoi qu'il en soit besoin du sport automobile pour affirmer son image. En 1976, Renault Gordini était définitivement intégré à la nouvelle structure Renault Sport à Viry-Châtillon, dirigée par Gérard Larousse.
Les esprits étaient déjà ailleurs, et la Renault 17, toute Gordini qu'elle soit, ne pesait pas bien lourd face aux rêves des dirigeants de Renault de peser de toute leur puissance sur le monde de la Formule 1. Dans les rallyes, les efforts de la Régie se concentraient bientôt sur les Renault 5 Alpine puis Turbo, puis sur l'Alpine A 310.

Publicité Renault Gordini pour le marché américain

      C. L'aventure américain
Les premières Renault 17 furent vendues aux Etats Unis à partir de 1974 sous l'appellation Gordini. Ces voitures se caractérisaient par l'adoption d'imposants pare-chocs, de répétiteurs latéraux, de phares spécifiques, d'un entourage de calandre à la couleur de la carrosseries et de multiples autres modifications nécessaires à une homologation aux USA. Les normes de pollution limitaient la puissance du moteur à 90 ch SAE. A ce niveau, l'identité Gordini paraissait bien usurpée.

Couverture du catalogue américain pour 1975

Le restyling de 1976 était moins visible sur la version US que sur les versions européennes. La calandre, l'élément qui différenciait de la manière la plus significative la nouvelle Renault 17 vendue en Europe, demeurait aux Etats Unis identique à celle des anciennes versions. Les dernières Renault Gordini furent vendues outre Atlantique au cours du millésime 1977.

Couverture du dépliant américain pour 1974 - L'appellation Gordini paraît ici bien incongrue.

      D. Vite oubliée
La Renault 17 a connu une carrière commerciale en demi teinte. D'ailleurs, de nos jours, les amateurs de Renault sportives sont encore peu nombreux à succomber à ses charmes, et elle peine à trouver sa place auprès des amateurs de youngtimers, plus sensibles aux attraits d'une Renault 5 GT Turbo ou d'une Clio Williams.
Ce fut plutôt la Renault 15, plus polyvalente, qui assura le gros des volumes. Les quelques succès de la Renault 17 en compétition rejaillirent plutôt sur l'image globale de Renault que sur la voiture en elle même. La Renault Fuego lancée en mars 1980 abordait une nouvelle ère. Elle abandonnait le nom de Gordini. Le patronyme Gordini fut encore utilisé de manière ponctuelle sur la Renault 5 Alpine en Suisse et en Angleterre.
Des cinq Renault Gordini, Dauphine, R 8, R 12, R 17 et R5, c'est certainement la R 8 qui fit le plus pour la renommée de ce nom devenu mythique. C'est grâce à elle que " Gordini " est encore de nous jour synonyme de sport automobile dans l'esprit du grand public. Il n'y a que quelques rares amateurs éclairés à savoir que les racines de l'aventure Gordini remontent aux années 30, et que les années 50 consacrèrent ce grand Monsieur.

Renault 5 Gordini, à destination du marché britannique

20. Sa retraite 
Amédé Gordini fréquenta les circuits jusqu'à la fin de 1978, avant que la maladie ne le contraigne à se replier sur lui même. Lors de sa disparition le 25 mai 1979, alors qu'il s'apprêtait à fêter ses 80 ans, Gordini rejoignait au Panthéon de l'histoire automobile deux de ses compatriotes, Ettore Bugatti et Anthony Lago. Ces trois hommes, nés en Italie, avaient choisi de vivre, de travailler en France, et de défendre nos couleurs. Amédée Gordini repose au cimetière de Montmartre.


Même s'ils ne firent pas la une des magazines spécialisés, les hommages de la presse furent nombreux lors du décès d'Amédée Gordini. L'hebdomadaire Auto Hebdo (numéro 166 du 31 mai 1979) concluait son article en ces termes " Personnage hors du commun, éminemment sympathique, beloteur invétéré, Gordini comptait beaucoup d'amis y compris parmi les générations beaucoup plus jeunes, celles qui se souvenaient qu'après Bugatti, la France avait souvent brillé grâce à Gordini "
21. Sa mémoire
La vie de Gordini fut marquée par une succession de tournants. Dans chacun d'entre eux on trouvait le doigt du hasard, de l'irrationnel. Il serait vain de chercher à en tirer des leçons ou des recettes. Pour Amédée Gordini, l'instinct et la fatalité avaient toujours primé sur le raison. A ceux qui le qualifiaient de sorcier, d'autres évoquaient son sens de la " commedia dell'arte ". Mais on n'est jamais célèbre sans avoir d'ennemi. Il n'en reste pas moins que ses victoires furent bien réelles, avec des moyens limités, face à de grands constructeurs bien établis qui disposaient de budgets conséquents. 
Au final, Amédée Gordini n'a produit que peu de voitures de son cru. Mais celles-ci n'ont pas disparu. Elles demeurent en bonne place dans plusieurs musées. Fritz Schlumpf fut précurseur dans ce domaine. Sa collection rassemblait quatorze Gordini, à côté de ses innombrables Bugatti.
Le 24 juin 1999, le Maire de Paris, Jean Tibéri, en l'honneur du centième anniversaire de la naissance du sorcier. baptisait une Place Amédée Gordini à l'angle du Boulevard Lefebvre et de l'Avenue de la Porte de la Plaine, à l'une des entrées du Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Cet décision fut arrachée à la Mairie de Paris par Christian Huet, dont on connaît l'attachement à Amédée Gordini, à qui il a consacré en 1984 un ouvrage historique (Gordini, un sorcier, une équipe). Madame Gordini, le maire de sa ville de naissance en Italie, mais aussi des pilotes de renom tels que Maurice Trintignant et Robert Manzon assistaient à la cérémonie.

Devant le visage d'Amédée Gordini (jeune), de gauche à droite, Maurice Trintignant, Mme Amédée Gordini et Robert Manzon (source : LVA n° 898 du 8 juillet 1999)
22. Gordini Revival


Affiches Publicis pour le lancement de la Renault Twingo Gordini

Renault annonçait en 2010 le retour de versions Gordini dans sa gamme. Encore un fois, il ne s'agissait que d'une opération de pure marketing. Il n'était pas question de renouer avec l'esprit des productions d'Amédée Gordini. Les puristes pouvaient par ailleurs regretter que l'historique " bleu France " ait cédé sa place à un quelconque bleu malte métallisé.

Renault Clio RS Gordini


Renault Twingo RS Gordini

C'est d'abord les Clio RS (203 ch) et Twingo RS (133 ch) qui furent proposées en finition Gordini.  Heureusement, pour tenter de faire revivre ce nom, Renault s'appuya naturellement sur le savoir faire de Renault Sport. Par rapport aux RS classiques, ces versions Gordini différaient par la teinte ainsi que par quelques monogrammes et détails de finition spécifiques. Environ 1/3 des premiers clients de Clio RS et 2/3 des clients de Twingo RS se laissèrent séduire par cette appellation prestigieuse. Au moins, avec de telles puissances, l'honneur était sauf.

Avec peu de communication, Renault parvenait à imposer malgré les critiques sa nouvelle vision de ce qu'était au 21ème siècle une Gordini. Profitant d'un certain engouement du public, le constructeur décidait d'étendre cette " finition " à des versions moins sportives. Les Twingo GT et Clio GT devenaient respectivement des Twingo Gordini et Clio Gordini. Mais ici plus question de moteurs survitaminés. Au choix sur la Clio, un 1,6 litre de 128 ch ou un ... diesel de 105 ch.
Le communiqué de presse de Renault précisait : " Twingo Gordini RS et Clio Gordini RS ont permis de développer les ventes de Renault Sport en séduisant une clientèle plus jeune mais également plus  féminine. Fort de ce succès, Renault étend sa griffe « French Touch » en lançant Twingo Gordini. Ce nouvel opus s’intègre dans la gamme Twingo en remplacement de la version GT. "
Enfin, en 2011, c'est la mal-aimée de la gamme Renault, la Wind, qui bénéficiait de  l'appellation Gordini. Disponible avec deux motorisations essence de 100 et 133 ch, la Wind était aussi grimée façon Gordini avec ce que cela suppose de mauvais goût : monogramme latéral, embossage Gordini sur les dossiers, pommeau de vitesse siglé, seuil de porte avec marquage Gordini ... Une vraie voiture de Jacky fortuné, ou comment bafouer un nom mythique.

Renault Wind Gordini

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